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Analyse

Un an après, Alstom Belfort «très vigilant»

Alors que les ministres de l’Economie et des Transports vont assurer ce jeudi le SAV de François Hollande, les salariés restent inquiets.
Les salariés d’Alstom Belfort, rassemblés devant l’usine pour le départ d’une manifestation, le 15 septembre 2016. (Photo Pascal Bastien)
publié le 25 octobre 2017 à 20h46

Les 490 salariés d'Alstom Belfort attendent de pied ferme la visite que leur rendront Bruno Le Maire et Elisabeth Borne ce jeudi après-midi, en compagnie du PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge. Un an après l'annonce d'un plan Orsec pour empêcher la fermeture de l'usine historique du TGV, le ministre de l'Economie et la ministre des Transports participeront à un «comité de suivi» des engagements pris en octobre 2016 par le précédent gouvernement : une rafale de commandes publiques, venant de l'Etat et de la SNCF, d'un montant total de 700 millions d'euros, dont la moitié se fait encore attendre…

Brouillard. «De toutes les promesses de l'époque, seul l'engagement sur les quinze motrices pour le TGV Ouest a été tenu pour l'instant», rappelle Patrick de Cara, délégué CFDT au siège d'Alstom à Saint-Ouen. Cette commande devrait donner du travail à Belfort jusqu'à fin 2019. Mais pour la suite, c'est le brouillard. Surtout après le rachat d'Alstom par Siemens fin septembre. Malgré la promesse du PDG du conglomérat allemand, Joe Kaeser, «de ne fermer aucun site français d'Alstom» dans les quatre ans qui suivront la réalisation de l'opération, courant 2018, les gens de Belfort ne sont pas rassurés. D'autant que l'Etat n'a pas racheté les 20 % d'Alstom détenus par Bouygues et que Siemens sera, en conséquence, seul maître à bord avec 50 % du capital. Pour le délégué CFDT de l'usine belfortaine, Olivier Kohler, le rachat d'Alstom «est un nouveau problème qui vient percuter Belfort et ravive les craintes pour l'avenir du site : nous serons très vigilants sur la manière dont Siemens va respecter les engagements pris par la direction d'Alstom et l'Etat pour développer l'activité ici». Pour lui, la seule question est de savoir si les gens du gouvernement viennent ce jeudi à Belfort pour annoncer la concrétisation des grosses commandes encore en attente : notamment le «TGV du futur» dont Belfort espère produire les motrices.

Mais la hotte des deux ministres est vide : ils viennent en fait «pour réaffirmer les six grands engagements de l'Etat» et «assurer leur continuité», explique-t-on à Bercy. Car «le principal engagement a déjà été tenu», avec la commande à Alstom des quinze TGV duplex par la SNCF pour la ligne Paris-Bordeaux, chiffrée à 450 millions d'euros. Deuxième promesse tenue : la commande de 30 rames Intercités pour 360 millions d'euros, passée en direct par l'Etat. Problème, ce contrat «ne profitera pas du tout à Belfort mais plutôt au site de Reischoffen, car il n'y a pas de locomotive sur ce type de train», relève Patrick de Cara, de la CFDT.

Respecter le troisième gros engagement, la commande de six TGV transalpins, s'annonce plus compliqué : les négociations avec Rome traînent. Si Elisabeth Borne devrait réaffirmer ce jeudi à Belfort le soutien de la France à ce projet, dans les faits, «nous n'avons pas encore d'horizon», reconnaît-on à Bercy. En revanche, la commande de 20 locomotives de manœuvre par SNCF Réseau pour 80 millions d'euros devrait se concrétiser d'ici la fin novembre. Et Bruno Le Maire devrait réaffirmer les deux derniers points prévus : une aide à Alstom pour produire à Belfort la locomotive hybride H4 et l'idée de développer une activité bus électriques.

«Mauvais coup». «Ce déplacement à Belfort montre bien qu'il y a une continuité par rapport aux engagements pris il y a un an, se félicite Jean-Baptiste Eyméoud, le président d'Alstom France. Maintenant, rien ne remplace des contrats, et c'est à nous de montrer que nous pouvons en gagner de nouveaux.» Alstom vient notamment d'être sélectionné par les chemins de fer marocains pour 30 locomotives. Mais c'est surtout le fameux «TGV du futur» qui nourrit les espoirs.

Avec une première commande espérée de 50 à 200 rames et la perspective de remplacer le parc TGV vieillissant de la SNCF, il s'agirait du contrat «le plus structurant» pour Belfort, reconnaît Jean-Baptiste Eyméoud. Alstom et la SNCF développent ensemble ce TGV de nouvelle génération, 25 % plus économe en énergie. Mais la notification du contrat par la SNCF n'interviendra pas avant 2018.

Car les deux parties discutent âprement de son prix. La SNCF veut un TGV 20 % moins cher qui ferait tomber le coût unitaire de la rame à moins de 25 millions d'euros. Et met Alstom sous pression. «Notre grande crainte, c'est que la direction nous sorte du chapeau un scénario prévoyant de construire intégralement le train à La Rochelle pour faire baisser les coûts, gagner 1 à 2 millions d'euros, ce serait un mauvais coup pour Belfort et d'autres sites, avec de lourdes conséquences sur l'emploi», prévient Olivier Kohler de la CFDT. Jean-Baptiste Eyméoud, lui, se veut rassurant : «Nous restons aujourd'hui dans la logique de faire travailler tous les sites intégrateurs du TGV en France : notamment La Rochelle pour les voitures, Ornans pour les moteurs, Le Creusot pour les bogies et bien sûr Belfort pour les motrices.» Bruno Le Maire devrait, lui, répéter aux ouvriers que le gouvernement «fera tout pour que Belfort garde une activité satisfaisante». Et qu'il veillera au respect par Siemens de son engagement de ne fermer aucun site d'Alstom et de maintenir l'emploi jusqu'en 2022. Mais les «Alsthommes», qui savent que les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent, vont maintenir la pression.