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«Peur du CDI» : la fausse piste de «l'incertitude juridique»

Selon la Dares, moins de la moitié des établissements ayant recruté en CDD, plutôt qu'en CDI, l'ont fait pour des raisons liées aux lourdeurs juridiques. Des résultats en décalage avec l'argumentaire du gouvernement, qui considère que «sécuriser» les ruptures des CDI permet de relancer l'emploi.
Manifestation contre la réforme du code du travail, le 21 septembre à Rennes. (Photo Jean-François Monier. AFP)
publié le 26 octobre 2017 à 20h59

Les CDD ont la cote. En 2015, ils représentaient 87% des intentions d'embauche, soit 12 points de plus qu'au début des années 2000. De quoi intriguer la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), qui s'interroge, dans une note publiée ce jeudi : «Pourquoi les employeurs choisissent-ils d'embaucher en CDD plutôt qu'en CDI ?» Avec, en toile de fond, une interrogation bien dans l'actualité : «Le moindre recours au CDI est-il le fait de la réglementation du CDI ?»

Et le résultat de l'enquête de la Dares, organisme pourtant rattaché au ministère du Travail, risque de décevoir le président de la République, qui a fait de ce soi-disant trop-plein réglementaire une des justifications premières de sa réforme du code du travail. Et notamment du plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif. Avec un raisonnement, moult fois répété, y compris par le patronat : «sécuriser» les licenciements permettrait donc d'amplifier les embauches.

Motivation secondaire

Or, selon les résultats publiés par la Dares, «le fait d'éviter la réglementation associée au CDI, qui intègre les coûts financiers en cas de licenciement, les formalités en cas de rupture ou les incertitudes juridiques en cas de recours», est une motivation secondaire, avancée par seulement 45% des établissements. Soit la cinquième, et dernière raison évoquée, bien loin derrière «le fait que leur besoin était limité dans le temps», qui arrive en tête des réponses, avec 69%. Suivi, en deuxième position, par «le souhait d'évaluer les compétences de la personne avant de la recruter durablement» (65%). Soit «une utilisation du CDD s'apparentant à une période d'essai étendue», précise la Dares. Puis, à égalité, en troisième et quatrième positions : «La volonté de réduire les risques en cas d'un ralentissement de l'activité et l'habitude de recruter en CDD sur ce type de poste» (56%).

«Perception»

Par ailleurs, si le motif de la réglementation des CDI est un peu plus invoqué par les établissements de petite taille, c'est-à-dire de moins de 10 salariés (55 % des établissements), il est en revanche très peu cité par ceux de plus de 200 (19 %). La réglementation - et encore moins l'incertitude juridique qui, si on entre dans le détail, est une des difficultés la moins citée - est en fait loin d'être l'élément central de la frilosité à embaucher en CDI. Et ce, d'autant plus dans les grandes entreprises ou faisant partie d'un groupe, disposant de moyens plus importants en termes de ressources humaines. Ce qui «semble réduire les craintes associées à la réglementation du CDI», selon la Dares.

Reste, toutefois, quelques établissements qui se disent inquiets face à cette réglementation. Pour eux, le barème des indemnités prud'homales mis en place par le gouvernement changera-t-il pour autant la donne ? Pas si sûr. Car, explique la Dares, «la perception que les employeurs ont de la réglementation peut-être différente de la réalité qu'elle recouvre». Et quand bien même les indemnités de licenciement sont fixées par la loi ou les conventions collectives et les formalités clairement définies, «la situation en cas de litige sur la rupture du CDI peut sembler incertaine aux yeux des employeurs». Conclusion : la mise en place d'un plafond d'indemnités pourrait ne rassurer en rien les employeurs. Et donc, ne pas changer leur mode de recrutement.