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Justice

Affaire Grégory : le contrôle judiciaire des époux Jacob est maintenu

Affaire Grégory, une histoire françaisedossier
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon a rejeté la demande d'allègement du contrôle judiciaire de Marcel et Jacqueline Jacob. Le couple de mis en examen n'est donc pas autorisé à retrouver son domicile vosgien.
L'avocat de Marcel Jacob, Stephane Giuranna, et celui de Jacqueline Jacob, Gary Lagardette, à Dijon le 20 juin. (Photo Philippe Desmazes. AFP)
publié le 27 octobre 2017 à 17h42

Les époux Jacob ne pourront pas regagner leur pavillon couleur parme d'Aumontzey (Vosges). Ce vendredi, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon a refusé de modifier les modalités de leur contrôle judiciaire. «Les deux demandes sont rejetées», a sobrement commenté le procureur général de Dijon, Jean-Jacques Bosc. Cela fait plus de quatre mois que les deux septuagénaires, mis en examen pour «arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi de [la] mort» de Grégory, 4 ans, vivent dans des domiciles séparés, loin de chez eux. D'après l'arrêt de placement sous contrôle judiciaire du 20 juin, consulté par Libération, Jacqueline Jacob réside actuellement en Alsace et a l'interdiction de sortir du département du Bas-Rhin. Elle doit se présenter une fois par semaine à la gendarmerie locale, s'abstenir de communiquer avec la presse ou avec les protagonistes du dossier, dont son mari. Ce dernier est soumis aux mêmes obligations et réside actuellement en Haute-Marne. La justice considère qu'il est nécessaire de les soumettre à ce régime pour éviter toute concertation.

«Ils avaient tout le temps d’avoir une version commune»

Lors de l'audience devant la chambre de l'instruction qui s'est tenue mercredi concernant Marcel Jacob et ce matin pour Jacqueline Jacob, Jean-Jacques Bosc s'est ainsi opposé à leur demande, soutenant que les époux doivent être entendus prochainement et que des retrouvailles pourraient perturber la suite des investigations. Me Stéphane Giuranna, l'avocat de Marcel Jacob, a balayé ces arguments. «Si les époux Jacob étaient impliqués, ils avaient tout le temps d'avoir une version commune : ils ont vécu […] pendant trente-trois ans ensemble», a-t-il déclaré à l'AFP. De son côté, Me Alexandre Bouthier, le conseil de Jacqueline Jacob, a indiqué à la sortie de l'audience: «[Elle] veut rentrer chez elle. Elle est victime, car elle est innocente, d'un scénario délirant.» Sa cliente réclamait, en outre, la levée de toutes les dispositions de son contrôle judiciaire.

La grand-tante et le grand-oncle du petit Grégory sont soupçonnés d'être les corbeaux de l'affaire. Autrement dit, ce mystérieux volatile qui a menacé la famille Villemin jusqu'à mettre à exécution sa funeste prophétie en tuant l'enfant de 4 ans, le 16 octobre 1984. C'est une expertise graphologique – une énième dans ce dossier qui en regorge – qui est venue relancer la machine judiciaire. Le 19 avril, l'experte Christine Navarro a en effet remis un rapport à la juge d'instruction, Claire Barbier, concluant que Jacqueline Jacob a «vraisemblablement écrit le courrier anonyme du 27 avril 1983» et «pourrait avoir écrit la lettre anonyme de 1983». Pour autant, elle semble exclure que la suspecte ait pu rédiger la fameuse lettre de revendication reçue par les parents de Grégory le lendemain du crime. Selon la synthèse des gendarmes, en date du 27 mai, le couple serait au cœur d'un «acte collectif». Les enquêteurs estiment que Bernard Laroche, le cousin de Jean-Marie Villemin, a d'abord enlevé l'enfant. Puis les époux Jacob – laissés pendant plusieurs décennies à l'écart du dossier – seraient entrés en scène : «Le 16 octobre 1984, Marcel et Jacqueline Jacob ont pu assouvir leur haine pour les Villemin en mettant à exécution l'assassinat du petit Grégory Villemin», est-il écrit.

«Je n’ai rien fait»

Néanmoins, Marcel et Jacqueline Jacob ont toujours contesté leur implication lors de leur garde à vue et devant la juge d'instruction. «Est-ce que vous reconnaissez ou pas être l'un des corbeaux ?» a ainsi demandé la magistrate à Marcel Jacob lors de l'interrogatoire du première comparution en juin. «Non, je ne reconnais pas, je n'ai jamais donné ces coups de fil.» «Vous êtes étranger au crime qui a été commis sur cet enfant ?» «Oui, bien sûr.» Il se souvient parfaitement de son emploi du temps le jour du crime : il était à l'usine. Manifestement précautionneux, il a gardé le procès-verbal de la réunion syndicale de ce 16 octobre 1984 qui s'est terminée vers 17 heures, moment estimé de l'enlèvement du petit garçon. «En me disant que si on m'interrogeait ça pourrait servir», précise-t-il, car il en a déjà «entendu des vertes et des pas mûres.» Reste à savoir s'il a pu s'absenter… ce qui est difficilement vérifiable trente-trois ans plus tard. Quant à Jacqueline Jacob, faisant valoir son droit au silence, elle s'est contentée de préciser à la juge : «Je n'ai rien fait.» Me Bouthier a insisté : «Il est parfaitement établi [que les époux] étaient sur leur lieu de travail» à l'heure des faits. Ils seraient restés à l'usine, la filature Walter Seitz d'Aumontzey de 13 heures à 21 heures. Les deux suspects doivent être à nouveau entendus en novembre, l'un le 10, l'autre le 17.