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Libération
«Père Noël»

Guyane : Macron vante un changement de méthode

Après les violentes manifestations de la veille à Cayenne, le chef de l'Etat affirme que les élus sont les interlocuteurs légitime et pose comme préalable à la distribution de crédits la concertation sur un plan de développement.
Emmanuel Macron à Cayenne, vendredi. (Photo Alain Jocard. AFP)
publié le 27 octobre 2017 à 20h54

Macron persiste. Oui, il prétend rompre avec la méthode de ses prédécesseurs qui seraient trop souvent contentés de calmer les impatiences ultramarines avec des promesses qui s'évaporent le temps d'un quinquennat. Et non, ce n'est pas «avec des milliards» mais «avec des actions en profondeurs» que l'on pourra régler les problèmes de ces territoires. Au lendemain d'une nuit d'affrontements entre les forces de l'ordre et quelques dizaines de manifestants Guyanais, en colère contre un gouvernement à leurs yeux coupable de ne pas tenir les engagements pris après le puissant mouvement social du printemps dernier, le chef de l'Etat a longuement détaillé, vendredi matin, ses propositions pour cet immense département. A la fois accablé par un chômage de masse, déstabilisé par la criminalité et une forte pression migratoire venant du Nord-Brésil et de l'Etat du Suriname.

Signé en avril 2017 par le gouvernement Cazeneuve, «l'accord de Guyane» n'était rien d'autre que la réponse à une colère née de la non-signature du «pacte d'avenir» promis début 2013 par le gouvernement Ayrault. Macron assure, chiffres à l'appui, que la «totalité» du plan d'urgence de 1,1 milliard d'euros sera appliqué. La parole de l'Etat serait donc «tenue». S'agissant de l'autre volet de l'accord signé en 2017 avec le collectif Pou Lagwiyann Dékolé – organisateur de la manifestation de jeudi soir – le chef de l'Etat rappelle qu'il s'agit non pas d'un engagement immédiat mais d'une série de «propositions», à hauteur de 2,1 milliards, que François Hollande avait simplement promis «d'étudier».

«Cluster de compétences»

Ce sont précisément sur ces deux autres milliards que les animateurs de la manifestation de la veille souhaitaient avoir des réponses lors de l'audience qu'ils ont réclamé jusque tard dans la nuit devant les grilles de la préfecture de Cayenne. Pas question, donc, de céder «aux pressions», «surtout quand elles n'ont pas la légitimité démocratique portée par les élus» a insisté Macron, bien décidé à jouer la légitimité des élus contre celle des «Grands frères» cagoulés de noir qui animent le mouvement depuis le printemps.

Aux milliards promis, il prétend opposer le «changement en profondeur». C'est pourquoi il a choisi de se rendre, accompagné de quatre ministres, «dans le plus difficile et le plus en crise des territoires ultramarins». Pour illustrer cette ambition, Macron a énuméré, jusque dans les détails, les chantiers selon lui prioritaires : développement des filières bois et biomasse, soutien de la filière aurifère ou encore création autour de l'université de «cluster de compétences» pour le développement des activités liées aux énergies renouvelables et à la biodiversité de la forêt amazonienne. Le plus gros investissement de l'Etat portera, ajoute Macron, sur le «défi éducatif» alors que la population de la Guyane a plus que doublé en vingt ans et le français n'est pas la langue maternelle d'un très grand nombre d'enfants.

Quinze ans de résidence pour toucher le RSA

Après une phase de «remontée des propositions et aspirations» dans le cadre des Assises de l'outre-mer, il promet pour le printemps 2018 «une feuille de route pour la Guyane» dont toutes les conséquences seront inscrites au budget 2018. Au-delà du «changement de méthode qu'il prétend promouvoir», le chef de l'Etat veut démontrer qu'il s'attaque à la racine de la colère guyanaise : le développement de l'orpaillage clandestin et l'afflux de migrants. Pour réduire «l'attractivité» de la Guyane, il instaure des procédures accélérées d'examen des demandes d'asile. Surtout, le chef de l'Etat propose de réserver l'accès au RSA, aux personnes qui pourront attester d'au moins quinze ans de résidence, et non plus cinq comme aujourd'hui.

Interrogé sur son refus de recevoir des représentants des collectifs issus du mouvement du printemps dernier, Macron a rappelé que ces derniers s'étaient constitués contre les élus. Parce qu'il «croit en la République» il affirme qu'il lui était impossible de donner «la même reconnaissance» à des élus légitimés par le suffrage universel et à des militants qu'il juge «très ambigus» sur leur mode d'action. Et si ces derniers se sont émus de l'entendre dire jeudi qu'il n'était «pas le père Noël», le chef de l'Etat a bien voulu promettre, d'un ton agacé, qu'il s'abstiendrait, à l'avenir, de recourir à cette métaphore. Voilà qui ne devrait pas être de nature à calmer des manifestants cagoulés de Cayenne, aussi remontés contre leurs élus locaux qu'ils jugent souvent corrompus que contre le président de la République dont ils dénoncent «le mépris».