Mélenchon déteste de plus en plus l'Europe. Il n'en a jamais été fan. Mais son aversion, de toute évidence, s'accentue. Il s'est d'abord distingué par une campagne farfelue destinée à faire enlever le drapeau européen du Parlement français. Le prétexte invoqué est croquignolesque, comme dirait Macron : il paraît que l'artiste qui a pondu le visuel du drapeau s'est inspiré d'allégories représentant la Vierge Marie. Comme personne ne s'en était aperçu, notamment les nations protestantes pourtant chatouilleuses sur le culte de la Vierge, on ne voit pas en quoi le symbole était gênant. Pour les peuples, le drapeau symbolise l'unité des nations européennes, ni plus ni moins. Le faire enlever, c'est montrer une hostilité envers l'Union, ni plus ni moins.
Un peu plus tard, le même Mélenchon reprenait le slogan de Margaret Thatcher, eurosceptique flamboyante, «I want my money back», récusant ainsi le principe même de la solidarité financière à l'intérieur de l'Union. Il est ce week-end en Grèce pour témoigner de son identité de vues avec Zoé Konstantopoúlou, dissidente de Syriza, qui n'a pas de mots assez durs pour les compromis passés par le Premier ministre Tsípras avec ses partenaires de l'Union européenne. Le petit parti dont cette procureure de Bruxelles est membre prône, entre autres, la sortie de la zone euro. Mélenchon, pour la même raison, qualifie Tsípras de «traître», ce qui est toujours aimable pour ce leader de la gauche grecque. L'anathème permet en fait d'éviter toute réflexion sur les raisons qui ont poussé Tsípras à choisir finalement un accord qu'il avait hautement et sincèrement récusé dans un premier temps. Peut-être s'est-il rendu compte qu'une rupture avec l'Europe l'aurait fait sortir de l'Union, ce qu'il n'a pas voulu, et l'aurait laissé en tête-à-tête avec les marchés financiers et le FMI, dont la bénévolence à l'égard des pays endettés n'est guère plus grande que celle de l'Allemagne, c'est le moins qu'on puisse dire. Tsípras a préféré une austérité assortie d'aide financière plutôt qu'une austérité tout court. La politique est un exercice parfois tragique, au sens grec du terme, qui oblige les acteurs à des choix douloureux pour en éviter de plus douloureux encore. Mais c'est agiter là des pensées réalistes. Mieux vaut, quand on est populiste assumé, se réfugier dans l'outrance et la dénonciation…