Comment introduire la sélection sans l’introduire, tout en l’introduisant… C’est l’exercice de funambule auquel le gouvernement s’est livré en annonçant les nouvelles conditions d’entrée des bacheliers à l’université. Au vu des mesures prévues, on doit conclure que le numéro est plutôt réussi : le nouveau dispositif comporte, au choix, une sélection peu sélective, ou une sélectivité ouverte, ou encore une orientation sous contrainte. Foin des «prérequis», ils sont remplacés par des «attendus», c’est-à-dire la même chose en moins brutal. Ces attendus seront définis par les facs et ceux qui ne les maîtrisent pas encore pourront demander une mise à niveau qui leur permettra d’accéder à la filière de leur choix. Autrement dit, chaque bachelier pourra entrer à l’université (pas de sélection), mais pas forcément là où il le souhaite et pas forcément tout de suite (sélection orientée, ou orientation sélective…). On peut certes questionner l’ampleur des moyens dévolus à cet objectif : tout cela suppose aide et encadrement des futurs étudiants dès la terminale, rattrapage des «attendus» par une pédagogie spécifique, et augmentation du nombre de places disponibles, c’est-à-dire beaucoup d’argent. Mais qui regrettera l’ancien système de tirage au sort et de sélection par l’échec massif en fin de première année de fac ? Même contrainte, l’orientation vaut mieux que la loterie. Certains regretteront que la sélection ne soit pas plus franche ; ils souligneront l’importance des crédits nécessaires à la réussite du nouveau dispositif. Il faut leur rappeler une règle d’or dans ce monde difficile : la principale richesse d’un pays comme la France, ou son principal handicap, c’est la formation. Même à grand prix, l’élévation du niveau d’éducation moyen, outre qu’il aide le citoyen à juger de la vie de la cité, est l’investissement le plus rentable que puisse faire la République.
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