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Libération
Merci de l'avoir posée

A-t-on le droit d'exprimer librement son savoir dans les musées ?

La semaine dernière, une jeune femme en visite au château de Versailles avec des amis a été prise à partie par un agent de sécurité au moment où elle leur expliquait une œuvre.
Un visiteur regarde un portrait du roi Louis XVI exposé dans le cadre de l'exposition «visiteurs de Versailles», à Versailles, le 19 octobre 2017. (Photo Ludovic Marin. AFP)
publié le 3 novembre 2017 à 11h27

Twitter nous a mis la puce à l'oreille. Vendredi dernier, une dénommée Marie-Noëlle Grison fait part de son mécontentement sur la Toile. Le litige ? S'être fait interpeller la veille par «un garde» lors d'une visite au château de Versailles au moment même où elle expliquait «le concept de la marqueterie Boulle à trois amis américains», indique-t-elle sur le réseau social, avant d'être, non pas expulsée, mais invitée à changer de salle.

Bien que Marie-Noëlle Grison soit historienne de l'art, elle y déambule comme une visiteuse lambda, non comme guide. De quoi s'interroger: «Est-ce vraiment interdit de parler d'art devant des amis ou des proches ?» «C'est un malentendu, nous précise la communication du château de Versailles, qui a présenté ses excuses à la jeune femme sur Twitter. L'agent a interprété son attitude comme un guide professionnel rémunéré "au black".» Avant de rassurer, en bon communicant : «Si vous venez visiter Versailles et si vous connaissez des choses, vous pouvez bien entendu le partager.»

Que prévoit le règlement ?

Pour éviter toute forme de concurrence déloyale, Versailles semble aux aguets. «Notre but est de protéger les guides», argue le château. D'ailleurs, les concernant, que préconise en substance le règlement ? A Versailles, l'article 23 édicte : «L'exercice du droit de parole est soumis à l'obtention préalable d'une réservation ou d'une autorisation de la présidente de l'Etablissement. Les membres du personnel de surveillance veillent au respect de ces prescriptions. Le cas échéant, ils sont habilités à interdire le commentaire, en cas de forte affluence et pour assurer la sécurité des visiteurs.»

Et de poursuivre : «En cas d'incident sur le site, tout guide interprète ou accompagnateur de groupe avec droit de parole, doit à la demande d'un agent de l'EPV, présenter sa carte officielle de guide ou son titre professionnel lui donnant le droit de parole, ainsi que son justificatif de réservation. A défaut de présentation de ces documents, tout guide conférencier national ou accompagnateur sera reconduit par des agents de l'EPV à la fin du parcours de visite pour une sortie définitive. En cas de récidive, une interdiction d'accès pourra être prononcée à l'encontre du contrevenant.»

«Il existe un règlement dans la plupart des musées», nous précise-t-on. Mais chacun d'entre eux le gère en interne. Cléa Richon, directrice adjointe en charge de la sous-direction de la médiation à la Réunion des musées nationaux-Grand Palais confirme : «Ce n'est pas le même document mais il est assez similaire» pour les groupes de visiteurs des galeries du Grand Palais. Le droit de la parole y est aussi réglementé, non pas sur le fond mais plutôt sur la forme. «Pour éviter que les multiples prises de parole soient dérangeantes pour le reste des personnes», clarifie-t-elle.

En revanche, difficile de savoir si les guides «frauduleux» exercent en nombre. Selon elle, «ça arrive surtout pour des groupes de moins de quatre personnes [la réservation minimum étant de 4 au Grand Palais, ndlr] ou pour des expositions à fort succès et que les créneaux pour conférenciers soient vite vendus».