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Libération
Éditorial

«Libération» avec «Charlie Hebdo»

publié le 6 novembre 2017 à 20h26

Charlie Hebdo menacé de mort… Le journal endure régulièrement ces attaques verbales malgré la tragédie du 7 janvier 2015. Mais cette fois, un nouveau paroxysme semble atteint. Le prétexte ? Une caricature assez hilarante mettant en scène un Tariq Ramadan priapique. Attaque contre l'islam ? Contre Ramadan, en fait, moqué en Tartuffe à grosse bite, qui contredit donc les principes qu'il est censé enseigner et qui ne sont pas, en l'occurrence, visés par Charlie. Mais la subtilité n'est pas le fort des dévots…

Les soutiens habituels du prédicateur rasent les murs ou invoquent une byzantine théorie du complot. Les procureurs coutumiers de Ramadan triomphent, un peu vicieusement, il faut le dire : comme tout un chacun, Frère Tariq doit bénéficier de la présomption d’innocence, même si les témoignages s’accumulent, et son comportement avec les femmes ne suffit pas à invalider ses thèses ambiguës. Si l’existence de Tartuffe suffisait à ruiner la religion, elle serait morte depuis longtemps.

Les mêmes mettent dans le même sac plusieurs journaux censés montrer de la complaisance envers l'islamisme. Certains citent même Libération, ce qui est un peu fort de café. Outre que notre solidarité avec Charlie menacé est entière et sans mélange, quelles que soient les différences entre les deux journaux (sur la question de la PMA, par exemple), rappelons que Libé a accueilli plus de six mois la rédaction de Charlie après le 7 Janvier, ce qui a valu au journal quelques menaces subséquentes, et que nous avions publié, avant les attentats, deux numéros spéciaux «Charlibération» destinés notamment à défendre le droit à la satire. Autant qu'on s'en souvienne, la solidarité émanant des actuels procureurs de l'islamisme (ou de l'islam ?) fut nettement moins concrète. Ainsi va cet air du temps de plus en plus sectaire : si vous rappelez le principe laïc selon lequel les musulmans ont droit de cité en France et qu'on ne saurait les englober sommairement dans l'extrémisme religieux, vous êtes aussitôt suspect de complaisance aux yeux de certains militants bruyants et confus. Voilà qui ne fait guère progresser la qualité du débat.

Riss, le directeur de la publication de Charlie Hebdo, a annoncé lundi soir avoir déposé plainte à la suite des menaces de mort reçues par l'hebdomadaire satirique. Le parquet de Paris a ouvert une enquête.