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Libération
Reportage

Le Sanctuaire, «une terre où ils sont quelqu’un et pas quelque chose»

Au Sanctuaire, le 15 octobre. B. ANSELLEM. DIVERGENCE
publié le 9 novembre 2017 à 20h16

«Ce sont tous des résistants ici», présente Ceylan Cirik, coprésident de l'association antispéciste 269 Life Libération animale, antenne française du mouvement créé en 2012 en Israël. Ce ne sont pas des activistes, mais bien des animaux dont parle celui qui gère le Sanctuaire, un refuge pour les bêtes sauvées des abattoirs, élevages ou laboratoires. Créé il y a deux ans et demi dans le centre de la France, sa localisation est tenue secrète pour éviter les représailles.

Sieste. Au total, une cinquantaine d'animaux profitent de ce havre de paix. «On les considère comme des réfugiés politiques, on leur redonne une terre où ils sont quelqu'un et pas quelque chose», souligne Tiphaine Lagarde, coprésidente. Pour libérer les bêtes, les activistes n'hésitent pas à flirter avec l'illégalité. Après avoir effectué les repérages nécessaires, de véritables opérations commando à visage découvert sont menées dans les abattoirs : «On débarque souvent la nuit pour faire des occupations. Dès qu'on arrive, on récupère des animaux et quelqu'un les emmène dans un endroit secret pendant qu'on reste sur place», détaille-t-elle. Des actions pour lesquelles les deux militants ont écopé de 2 000 euros d'amende et trois mois de prison avec sursis.

Pour des raisons de sécurité, la majorité des animaux volés sont placés dans des familles d'accueil. Mais certains font exception. C'est le cas de Zana et d'Antigone, deux canes délivrées de l'abattoir Palmid'Or du groupe LDC (Loué, Le Gaulois…). Auparavant comprimées dans de petites caisses, elles profitent désormais d'une sieste à l'ombre d'un arbre : «Antigone a été trouvée sous la chaîne d'abattage, elle avait dû réussir à se sauver la veille. Elle a eu de la chance, quand on s'est enchaînés à la chaîne d'abattage, un militant s'est accroupi et l'a vue», raconte Tiphaine Lagarde. Hormis quelques cas, la plupart des pensionnaires ont été secourus légalement, souvent grâce à des particuliers. Nounours, un imposant veau roux, est né de façon imprévue dans un laboratoire de recherche pour les aliments améliorant les performances du bétail. Un employé, touché par le sort de ce petit condamné à l'euthanasie dès sa naissance, l'a fait sortir et l'a confié à l'association. Rose et Tatie, deux truies, proviennent aussi de ce laboratoire. Enfermées bébés dans de petites pièces sans fenêtre sur du carrelage, elles subissaient chaque jour des prises de sang pour évaluer leur prise de gras.

Gardien. Inévitablement, des liens se sont tissés entre Ceylan Cirik et les animaux. Même s'il met un point d'honneur à ne pas les contraindre au contact humain, beaucoup sont demandeurs, en particulier les chevreaux. «Je les appelle les Dalton, ce sont quatre frères qui seraient partis à l'abattoir à l'âge de 3 mois sans l'aide d'un particulier. De vrais pots de colle !» s'amuse-t-il. Parmi les animaux de ferme se glisse un gros chien blanc, gardien du Sanctuaire : Goliath. Promis à l'euthanasie, ce chien «mordeur» a été récupéré à la SPA. Il a été adopté douze fois et a erré six ans dans les cages de l'association.