Depuis le Prince de Machiavel, on sait que la guerre est constitutive du pouvoir politique. Manier les armes a longtemps été considéré comme la condition première de la confiance populaire. La guerre, ou l'hypothèse de celle-ci, permettait à la nation tout entière de faire corps puisque le Prince pouvait offrir le sien aux armées. C'est la fonction même de l'ennemi, qui définit par contraste ce que nous sommes. Elle donne un prix à la vie, puisqu'elle donne un sens à la mort. Pour autant, cette nouvelle guerre du XXIe siècle, dans laquelle la France est vraiment entrée depuis les attentats de 2015, change tout. Certes, en Syrie et en Irak, nous sommes en guerre officielle contre Daech. Mais les ramifications de cet islamisme radical font que notre ennemi peut aussi habiter à deux rues de nous. Vivre comme tout un chacun et d'un coup passer à l'acte. Sans prévenir. Et parfois (comme c'est le cas notamment pour l'attentat de Nice), sans laisser la moindre signature ou justification qui pourrait donner un semblant de sens à l'atrocité de ses actes.
La menace est potentiellement partout mais elle est surtout invisible. Et voilà nos traditionnels contre-pouvoirs démocratiques démunis. Selon le ministre de l’Intérieur, treize attentats ont été déjoués depuis le début de l’année. Tout est entrepris, selon lui, pour mettre l’Etat au service de la sécurité de tous. On n’a aucune raison de mettre en doute sa parole. Mais on ne dispose d’aucun élément objectif pour l’étayer. Pour des raisons évidentes de confidentialité et d’efficacité, chaque citoyen est invité à croire ses dirigeants sur parole. Hier François Hollande, aujourd’hui Emmanuel Macron. Cette confiance presque aveugle a un prix considérable. En abuser serait catastrophique. Car le poison du doute risquerait alors de s’infiltrer dans tous les pores de notre vie démocratique.