«Ni le lieu ni le sujet» : face à la presse mercredi, pour son habituel compte rendu du Conseil des ministres, Christophe Castaner n'a rien voulu confirmer de son avenir au sein de l'exécutif. Mais il n'a pas exclu de cumuler, à partir de samedi, ses fonctions de secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement et de délégué général - c'est-à-dire patron - de La République en marche. Il s'est contenté de confirmer qu'il cesserait d'être porte-parole du gouvernement, évoquant la «saveur particulière» de ce qui devrait être son dernier point presse.
Acrobatique
Secrétaire d'Etat, en revanche, le Provençal souhaite visiblement le rester. Cette perspective n'inquiète pas la seule opposition, qui la rejette en bloc. Même dans la majorité En marche, difficile de trouver un élu LREM ou un simple militant prêt à défendre la dernière trouvaille du nouveau monde : l'acrobatique cumul que s'apprêterait à assumer Castaner, macroniste de la première heure. Est-ce vraiment le souhait de l'exécutif ? «No comment» à Matignon et silence embarrassé de l'Elysée, qui fait savoir que l'avenir ministériel de Castaner se décidera samedi. Astrid Panosyan, marcheuse historique et membre de la direction du parti, a choisi, elle, de dire franchement sa désapprobation : «Comment ferait-on la part des choses entre ce qu'il dirait en tant que ministre et en tant que délégué général de LREM ? a-t-elle questionné mercredi dans l'Obs. S'il y a une ambiguïté sur l'origine de l'émetteur du message avec la question constante "mais d'où parle-t-il ?" nous courrons le risque de perdre en impact et en efficacité collective.»
Quelques heures plus tôt, Castaner défendait une tout autre position devant la presse, en sortant du Conseil des ministres : «Ne pensez pas que les hommes politiques ne le seraient qu'à certaines heures de leur travail. Les ministres sont évidemment politiques. Il m'est arrivé comme porte-parole de mettre de petits coups de griffe à tel ou tel représentant de tel ou tel mouvement. J'ai tout de même assumé une relation de franchise ou de confiance avec les présidents de groupe [du Parlement]. Etre ministre n'est pas être désincarné.»
A gauche comme à droite, l'opposition ne se prive pas de critiquer l'éventuel maintien de Castaner au gouvernement. «Le ministre des Relations avec le Parlement ne peut pas être en même temps l'interlocuteur des groupes de l'opposition et chef de parti», s'était élevé, dès la fin octobre, le socialiste Alain Vidalies. Ministre des Relations avec le Parlement entre 2012 et 2014, il dénonce un possible «conflit d'intérêts». Tout en soulignant qu'il n'y a, juridiquement, aucune incompatibilité entre les deux fonctions, l'ex-sarkozyste Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement de 2007 à 2009, estime que cela serait, à l'usage, très compliqué à gérer. Avis partagé par son successeur Patrick Ollier, qui voit mal comment un seul homme pourrait «à la fois arrondir les angles et chercher la confrontation». Selon les deux anciens ministres, il y aurait une incompatibilité entre le rôle nécessairement clivant du chef de parti et la vocation conciliatrice de celui qui fait le lien entre Parlement et gouvernement.
Un mélange des genres qui serait particulièrement délicat à l'occasion de la Conférence des présidents. Convoquée chaque semaine par le président de l'Assemblée, celle-ci réunit notamment les présidents des commissions et des groupes ainsi que le ministre chargé des Relations avec le Parlement. C'est dans ce cadre que doit être décidé l'ordre des travaux de l'Assemblée pour la semaine en cours et les deux suivantes. Plus qu'une simple réunion technique pour caler l'agenda, ce rendez-vous a aussi une vocation politique car, pour avancer, le gouvernement peut avoir besoin de chercher des accords avec l'opposition. «Puisqu'il sera patron du parti, le ministre sera aussi le chef des députés En marche. Ce cumul va nuire à l'indépendance et à l'autorité du président du groupe LREM», estime Ollier.
Compromis
Selon une source ministérielle, l'Elysée, «embarrassé» par ce dossier, aimerait que Castaner «renonce de lui-même» à toute fonction gouvernementale et «proclame» son intention de se consacrer «à plein-temps» à la tâche exaltante qui lui sera confiée au congrès de La République en marche. Dans la majorité, beaucoup verraient d'un très bon œil une solution de compromis : Castaner ne resterait aux Relations avec le Parlement que pour quelques semaines encore, le temps de conclure, avec le vote de la loi de finances mi-décembre, le débat budgétaire engagé au début de l'automne.
Selon un sondage Elabe diffusé mercredi par BFM TV, 70 % des Français et 59 % des électeurs de Macron au premier tour de la présidentielle jugent que le futur patron de LREM devra quitter le gouvernement. Ils sont aussi très majoritaires (62 %) - ceci expliquant peut-être cela - à penser que la formation macronienne est un parti «comme les autres».