Lech Kowalski va comparaître en correctionnelle lors d'une audience publique. Convoqué ce mercredi devant le substitut du procureur de Guéret (Creuse), dans le cadre d'une procédure dite de «plaider coupable», le documentariste accusé de rébellion a démenti mercredi les faits dont on l'accuse. «Pour dire non, il ne faut pas trois heures», a ironisé son avocat Me Borie au sortir du tribunal. «Lech ne reconnaît pas les faits de rébellion, puisqu'il faisait son travail. La substitut, dans ces conditions, n'a eu d'autre choix que de renvoyer vers une audience publique», a-t-il précisé.
Le 20 septembre, le cinéaste anglais d’origine polonaise, et vivant en France depuis près de vingt ans, se trouvait à Guéret où il filmait les ouvriers de GM&S qu’il suit depuis avril dans le cadre d’une coproduction avec Arte France. Au terme de cinq heures d’occupation des lieux, le préfet a demandé l’évacuation par les gendarmes. Avant d’intervenir, les militaires ont intimé l’ordre aux représentants de la presse de quitter les lieux. Las d’être tenu à l’écart de ces moments de tension, appuyé par les journalistes présents, Lech Kowalski a refusé d’arrêter de filmer, arguant qu’il était dans le plein exercice de sa fonction. Ce qui lui a valu d’être évacué en premier et assez vertement comme en témoignent les images filmées alors.
«Une atteinte notoire à la liberté d’informer»
C'est d'ailleurs ce que reproche aux autorités, dans cette affaire, le Syndicat national des journalistes (SNJ). Ce dernier avait appelé à un rassemblement de soutien qui a réuni environ 200 personnes samedi dans la capitale creusoise. «C'est important d'être présent», a insisté Philippe Béquia, du SNJ et correspondant de la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIPJ), pour rappeler «que les forces de l'ordre n'avaient pas à évacuer les journalistes ou même un réalisateur, parce qu'en l'occurrence, c'est la même chose. Ils pouvaient évacuer les salariés, ce pour quoi ils étaient mandatés, et les journalistes, dans l'exercice de leur métier, auraient naturellement suivis», explique-t-il. Et de reprendre : «Je crois qu'il est assez clair que ce qu'on a voulu faire ce jour-là, c'est éviter qu'il y ait des images et des témoins de l'évacuation. Or, c'est une atteinte notoire à la liberté d'informer et donc à la liberté de chacun.» Au final, le SNJ dénonce une attitude envers la profession «qui se banalise depuis six mois, avec notamment deux plaintes déposées par des ministres en exercice contre les médias et des journalistes qui ont produit des documents dans le cadre de leur travail, ou d'autres encore qui sont placés en garde à vue».
Lech Kowalski, lui, rappelle que «depuis des mois à filmer les ouvriers jour et nuit, et après voir été menacé de bien des manières par les autorités locales, j'ai développé une relation particulière avec ces travailleurs et avec leur histoire. Cette relation à un sens je crois qui joue beaucoup dans ce qui s'est produit le 20 septembre.» Et de lancer à l'assistance : «Je ne suis pas un journaliste, je suis un cinéaste, mais au-delà de ça, c'est de liberté d'expression dont il est question ici. Si je suis coupable d'une chose c'est d'avoir demandé "pourquoi ?" Donc si je suis coupable, nous sommes tous coupables.»