«Hi Bob, how are you today ?» Sur le marché de Brixton, dans le sud de Londres, un policier anglais fait le tour des commerçants en les saluant un par un. A ses côtés, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur français, est venu observer ce fameux modèle policier anglo-saxon. Une visite qui s'inscrit dans le cadre de la réflexion engagée autour de la réforme de la police de sécurité du quotidien. La mise en œuvre de cet engagement de campagne du candidat Macron a débuté par une concertation en novembre et devrait se décliner sur le terrain lors d'une première phase de test début 2018. «Il y a des années, nous n'aurions pas pu faire cette balade, explique le policier anglais à Gérard Collomb. Les différentes communautés ne voulaient pas discuter avec la police. Mais maintenant, tout le monde nous parle, et c'est ça qu'on veut conserver.» Et le bobby de s'amuser : «Même le ministre de l'Intérieur français veut nous voir !»
La police anglaise applique une doctrine développée dans les années 90, appelée community policing («police tournée vers les communautés») ou neighbourhood policing («police de quartier»), qui est radicalement différente de l'organisation française.
«Consentie». «Notre but est que la police soit partie prenante de la société, qu'elle soit intégrée aux différentes communautés», explique ce policier «de quartier» à Collomb. Une visite symbolique donc, auprès d'une police qui a une bonne image en Angleterre et dont l'action est globalement bien acceptée. Ce que les Anglais nomment police by consent (dont l'action est «consentie»).
La France n’est pourtant pas totalement étrangère à une telle doctrine. Expérimentée par la gauche de 1998 à 2002, la «police de proximité» répondait à des objectifs similaires. Elle consistait en un déploiement d’agents polyvalents sur des secteurs de petites superficies. Des policiers plus présents sur le terrain, souvent à pied, et donc en théorie plus proches des habitants. Si Macron et Gérard Collomb ont refusé de reprendre cet intitulé, elle présente de nombreux points communs avec la police de proximité. D’ailleurs, c’est aussi le modèle anglo-saxon qui avait nourri la réflexion à la fin des années 90.
«Prendre le temps». Dans une salle du commissariat en briques rouges de Brixton, Martin Hewitt, le chef de la police londonienne, explique leur organisation : «Nous avons divisé la ville en 32 quartiers et nous avons, pour chacun, une police dédiée. A ce niveau local, la base de l'activité repose sur les officiers de quartier. Ils travaillent sur des zones réduites et ont pour mission d'établir un lien avec la population.» Tout au long de la discussion, le chef de la police enchaîne les mots clés pour résumer leur action : «Dialogue constant», «prendre le temps», «préoccupations de la population». «C'est une approche de long terme : on ne peut pas réussir à construire du lien si on n'intervient seulement lorsqu'il y a un problème», conclut-il.
Gouvernance. Pour développer ce lien, Londres a notamment développé deux unités spécifiques. D'abord, dans les années 90, des médiateurs employés par la mairie mais en lien avec les forces de l'ordre, puis, au début des années 2000, des policiers en uniforme sans pouvoir coercitif. «Et donc vos policiers ne sont pas armés ?» interroge le ministre de l'Intérieur. «Effectivement, nous avons très peu d'officiers qui disposent d'une arme, environ 9 %, répond Martin Hewitt. Mais après les attentats du 13 Novembre à Paris, nous avons commencé à augmenter le nombre d'agents armés.»
Autre grande différence avec le modèle français, c'est le maire qui dirige la police. Cette problématique de la gouvernance devrait être au cœur de la prochaine police de sécurité du quotidien. «Nous avons une relation très étroite avec les élus, ce qui nous permet de connaître l'impact de notre action et être sûr de bien comprendre quelles sont les priorités que l'on attend de nous», poursuit le chef de la police.
En France, ni Macron ni Collomb n'ont évoqué la possibilité d'augmenter les pouvoirs de police des maires dans le cadre de la réforme. «Le modèle londonien est forcément une source d'inspiration pour nous, estime tout de même le ministre, même si ce n'est pas transposable tel quel.» Et en sortant du commissariat de Brixton, Gérard Collomb conclut d'une évidence : «Nous avons des méthodes assez différentes.»