Les collectivités territoriales ont-elles un trésor caché ? En 2016, sur les trois secteurs publics (Etat, territorial, hospitalier), leur branche était la seule en excédent. Pas énorme (0,1 % du PIB, soit 3 milliards d'euros) mais comme dit Olivier Dussopt, le président de l'Association des petites villes de France, «nous sommes le moins mauvais portant des malades».
N’ayant pas droit au déficit de fonctionnement, les collectivités territoriales ont bien été obligées d’absorber, durant le quinquennat de François Hollande, trois années de baisse des dotations (10 milliards d’euros) en rognant sur leurs dépenses.
«Economies intelligentes»
Et voilà qu'aujourd'hui, Emmanuel Macron leur demande un effort supplémentaire de 13 milliards, réparti sur les années à venir, et réalisé en faisant «des économies intelligentes», comme il le leur a dit lors de la conférence des territoires de juillet. Le chef de l'Etat avait alors insisté sur la rupture avec les choix de ses prédécesseurs : «La logique aurait voulu que nous passions par la baisse des dotations, mais nous ne le ferons pas.»
Toutefois, ce changement de méthode, passant d'une baisse des dotations de l'Etat à une obligation d'économies de fonctionnement, n'a guère rassuré les élus. Philippe Laurent (UDI), secrétaire général de l'Association des maires de France (AMF) et membre du Comité des finances locales, y voit un changement périlleux pour la décentralisation. «François Hollande nous disait : "J'ai besoin d'argent, faites comme vous voulez, mais débrouillez-vous." Là, c'est pensé d'une autre façon : "On ne vous prendra pas d'argent mais on vous dit comment il faut faire pour l'économiser et on vous met des limites".» Ce passage du «contrôle du déficit» au «contrôle des dépenses» lui paraît d'autant plus dangereux qu'une fois raboté tout ce qui peut l'être dans le fonctionnement d'une commune, «le plus dur sera la chute des investissements, déjà passés de 55 à 45 milliards d'euros par an entre 2013 et 2017».
En bout de course
André Laignel, vice-président de l'AMF, voit également dans ces mesures une suite du procès que le gouvernement leur fait : «Nous serions dépensiers, inefficaces, clientélistes avec les emplois aidés…» a-t-il déploré lundi sur France 2. Il entend souligner que «la dette des communes et des intercommunalités représente 4 à 4,5 % de la dette française alors qu'elles assurent 70 % de l'investissement».
Ce que confirme la commission des Finances du Sénat. Dans son rapport sur le projet de loi de finances 2018, elle écrit qu'«en 2016, la réduction du déficit a été portée à hauteur de 60 % par les administrations publiques locales alors que celles-ci ne représentent que 20 % des dépenses et des recettes publiques». Elle pointe, elle aussi, les effets du serrage de vis sur les investissements : «En 2016, l'investissement des collectivités territoriales a connu une diminution de 3 % après avoir diminué de 8,4 % en 2015 et de 7,7 % en 2014.»
Mais surtout, la commission estime que le gouvernement s'égare dans ses calculs. «Si cette interprétation est exacte en valeur, elle est fausse en volume.» Pour les sénateurs, l'économie demandée serait, en bout de course, «de l'ordre de 21 milliards d'euros ».
Interdites de déficit par la Constitution, les collectivités ont fait les efforts qu'il fallait pour avaler les 10 milliards d'euros de baisse des dotations. Et puisqu'ils y sont arrivés, l'exécutif leur demande de continuer de plus belle. «Une lecture comptable transforme cette situation positive en situation intenable», dit Olivier Dussopt. «On pourrait se mettre en faillite mais comme on ne le fait pas, on est piégés», résume Philippe Laurent.