En mars, le maire de Faugères (un village héraultais d'environ 500 habitants) fait ses comptes : sur un total de 2 millions d'euros, il lui en manque 500 000 pour construire un nouvel édifice réunissant école et mairie. «Aujourd'hui, elles sont toutes deux installées dans un bâtiment du XIXe siècle. Il n'est plus aux normes, ne permet pas d'accueillir les personnes handicapées et n'offre aucune possibilité d'agrandissement», résume Philippe Bouche, 62 ans. Ce maire, tendance LR «mais non encarté», prend alors sa plume et écrit aux grandes fortunes de France pour solliciter une aide financière. Délicat, cet ancien inspecteur en assurances accompagne son courrier d'une bouteille de rouge. Un faugères, bien sûr.
«J'ai reçu quelques réponses négatives : Dassault, Hermès, Auchan, Bettencourt. Les autres, comme François Pinault, Bernard Arnault, Mohed Altrad, François Fillon ou Gérard Depardieu n'ont même pas répondu. Et bien sûr, on n'a pas reçu un centime.» Le projet ne verra finalement pas le jour. Les esquisses de l'élégant bâtiment sont restées accrochées au mur, dans le bureau du maire. «A la place, on envisage d'utiliser des bâtiments formés par des conteneurs réhabilités. Ça nous coûterait de 500 000 à 600 000 euros de moins.» Mais ce qui pèse le plus à Philippe Bouche, c'est l'«avalanche de normes administratives» qui le plombe au quotidien. Papiers à remplir, textes à consulter, règlements à respecter. Dans ce contexte, la disparition de deux emplois aidés le handicape davantage encore. «La cause me semble perdue pour les petites communes. Elles sont condamnées. Petit à petit, les fusions deviennent obligatoires et toutes les compétences des villages partent aux intercommunalités. Et la voix des plus petits se perd. Moi, dans ma communauté, qui réunit 25 communes, je n'ai qu'une voix sur 42.» Les compensations promises par l'Etat pour faire face aux manques à gagner de la taxe d'habitation ne le rassurent pas : «Nous allons être sous perfusion pour survivre», prédit l'élu. Il ne fera pas le déplacement jusqu'à Paris pour le Congrès des maires. Mais il espère bien qu'Emmanuel Macron fera des annonces encourageantes, par exemple sur l'allégement des normes administratives. «De toute manière, question dotations de l'Etat, on ne peut plus aller plus bas.»