Vieux de plus de 80 ans et au sommet d’une industrie qu’il a contribué à façonner, le constructeur japonais, s’il suit de près l’électrique, vise déjà la suite : la pile à hydrogène.
La fiche technique
La célèbre firme japonaise créée en 1933 trustait depuis une dizaine d'années la première place du podium des constructeurs automobiles lorsque l'allemand VW lui a ravi ce titre en 2016. Toyota est un exemple d'organisation, inventeur du lean manufacturing (production agile) qui se conjugue avec son fameux kaizen (principe d'amélioration continue). Un modèle imité par tous qui lui permet de «produire en très grande quantité à un très haut niveau de qualité», rappelle Laurent Petizon, du cabinet AlixPartners. Mais après avoir conquis le monde, le géant ne s'est pas endormi : il a anticipé le grand virage de la voiture propre dès 1997 avec la Prius, première voiture hybride où un moteur électrique prend le relais du moteur thermique, avec économies de carburant et donc de CO2 à la clé. Toyota a vendu plus de 11 millions de véhicules hybrides et travaille sur toutes les technologies de moteur électrique.
L’effet turbo
Roi de l'hybride, Toyota mise sur le coup d'après en essayant de doubler Tesla et sa techno de voitures électrique. Son atout ? La pile à combustible carburant à l'hydrogène. Longtemps éclipsé par le moteur à explosion, ce procédé pourrait prendre sa revanche. La pile à hydrogène permet en effet de produire de l'électricité en continu en transformant le gaz par électrolyse inversée. Plus besoin de batteries : avec un plein de 5 kilos de dihydrogène (H2), la Mirai («futur» en japonais) de Toyota peut rouler 650 km et son échappement ne rejette que de la vapeur d'eau ! Toyota a même dévoilé un prototype affichant une autonomie de 1 000 km.
«Avec l'hydrogène, Toyota répond aux attentes du consommateur : comme à la pompe à essence, il faut moins de cinq minutes pour faire le plein, contre plus d'une demi-heure pour recharger partiellement un véhicule à batterie. Et l'autonomie est deux fois supérieure à la meilleure voiture électrique», s'enthousiasme Pascal Maubergé, le président de l'Association française pour l'hydrogène et la pile à combustible. Pour l'heure, Toyota n'a vendu que 4 000 Mirai… En France, la flotte de taxis Hype en a commandé quelques exemplaires, qui peuvent faire le plein à la station Air Liquide du pont de l'Alma. Le prix de la Mirai (65 000 euros) flirte avec celui d'une Tesla. Mais Toyota mise sur les limites des batteries - la ressource lithium est limitée et difficile à recycler - et l'avènement d'une économie de l'hydrogène. Le cabinet de conseil McKinsey prévoit que ce gaz pourrait alimenter de 10 millions à 15 millions de voitures d'ici 2030. Toyota, qui a prévu d'investir des milliards dans la pile à combustible, est suivi de près par le coréen Hyundai qui a lancé l'ix35, un petit SUV roulant au H2.
Le coup de frein
Le choix de l'hydrogène fait par Toyota «est incroyablement stupide», selon… le patron de Tesla, Elon Musk. De fait, le pari n'a rien d'évident. Il faut déjà trouver une pompe à hydrogène pour faire le plein. Aujourd'hui, il en existe une poignée en France et moins d'une centaine dans le monde. C'est la poule et l'œuf : tant qu'il n'y aura pas de réseau de distribution, il n'y aura pas de boom du H2 sur les routes. Le gaz fait en outre encore peur aux automobilistes, même si les réservoirs sont sécurisés. Et puis, si la pile à combustible est un moteur propre, la technique actuelle de production d'hydrogène, par reformage du méthane, l'est beaucoup moins. Demain, l'hydrogène issu de l'électrolyse de l'eau sera garanti sans CO2 mais restera très gourmand en électricité… en partie nucléaire. Toutefois Toyota ne met pas tous ses œufs dans le même panier : «Leurs futures plateformes de véhicule pourront embarquer indifféremment de l'hybride rechargeable, des batteries ou des piles à combustible. Ces technologies vont cohabiter un temps et si l'hydrogène l'emporte sur le tout batterie, ils auront un coup d'avance», estime Pascal Maubergé.