Au Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris se tient actuellement le congrès des maires, ce qui permet d'y croiser des nombreuses troupes équipées d'un sac tricolore et d'une canne de berger (distribués chaque année aux maires). On va dorénavant y croiser aussi toute l'armada des laboratoires pharmaceutiques, médecins et autres pontes de la santé qui forment le public des grands congrès médicaux, les plus lucratifs. Car le parc vient d'ouvrir un centre de conventions qui sera le plus grand d'Europe. Et surtout, le seul situé en pleine ville et non pas dans une lointaine périphérie.
Dans la grande compétition internationale de l'attractivité, les congressistes sont une proie de choix. Touristes «d'affaires», ils ont les poches bien plus garnies que le touriste «de loisirs». Ainsi Jean-François Martins, adjoint de la maire de Paris au tourisme et au sport, a-t-il rappelé, lors de l'inauguration mercredi soir, que «40% des nuitées hôtelières dans Paris sont dues au tourisme d'affaires. Cela représente 1,2 milliard d'euros de dépenses sur place, soit davantage que le tourisme de loisirs».
Créé dans les années 30, le Parc des expositions de la porte de Versailles est un collage des grands bâtiments en béton. C'est l'un d'entre eux, le pavillon 7, qui vient d'être transformé par les architectes de l'agence Valode et Pistre. «Nous avons fait une relecture architecturale d'un bâtiment avec une méga structure de 20 mètres sur 20 [entre les poteaux, ndlr] que nous avons conservée, respectée et restaurée.» Résultat : 72 000 mètres carrés de planchers en trois niveaux et la plus grande salle pleinière d'Europe.
«Fer de lance»
Paris est déjà la première ville mondiale en termes d'accueil de congrès, quoiqu'elle se soit fait chiper le titre en 2015 par Berlin. «Pour rester dans cette compétition mondiale, nous avions besoin de cet outil», dit Jean-François Martins. Jusqu'à présent, Paris ne pouvait pas accueillir les grands barnums des sociétés européenne ou mondiales de cardiologie par exemple, qui ramènent entre 30 000 et 35 000 visiteurs. Le nouveau centre «va être le fer de lance de notre stratégie touristique pour la décennie à venir». Et en prime, sans coûter un euro à la ville de Paris…
Un cadeau? Presque… Il y a vingt ans, le Parc des expositions de la porte de Versailles, géré par la ville, était gai comme une cimenterie. D'où l'idée de le déléguer en concession au privé, avec obligation de lui refaire sérieusement la façade. Viparis, une alliance à 50-50 entre la Chambre de commerce et d'industrie Paris Ile-de-France et la foncière Unibail-Rodamco, a emporté le morceau avec la contrainte de réaliser 500 millions d'euros de travaux. «Nous en sommes à 227 millions déjà dépensés, dit Michel Dessolain, directeur général de Viparis. Tous ces travaux ont été réalisés alors que le parc fonctionnait.» Au moment où il s'exprime, les maires arpentent les allées et les bateaux entrent dans le pavillon 1 pour le Salon nautique. La dépense déjà faite se voit sur place et peut se résumer en une phrase : le Parc est méconnaissable. La promenade y est devenue presque agréable, c'est dire.
«Très belle affaire pour la Ville»
«Pourquoi avons-nous mis autant d'argent sur la table ? s'interroge à haute voix Didier Kling, le président de la Chambre de commerce. Parce que nous voulions garder notre place de leader.» Viparis gère aussi le Palais des congrès de la porte Maillot, les sites du Bourget et de Villepinte. Et entre salons et conventions, «l'activité représente 5,5 milliards de retombées économiques par an pour la région». Or c'est dans ces manifestations que sont signés «20 milliards d'euros de contrats chaque année».
Pour occuper les lieux, Viparis verse à la ville une redevance annuelle de 16 millions. Vu les sommes que la société engage, elle ne solde probablement pas les stands. Mais tant qu'elle garnit son carnet de commandes, «c'est une très belle affaire pour la Ville», reconnaît Anne Hidalgo en échangeant avec Libération avant son discours d'inauguration. Et preuve que Paris n'est pas ingrat, la municipalité soutient le projet controversé de la tour Triangle, porté par Unibail, sur le site de la porte de Versailles.
Le centre des congrès du Parc des expositions s'appelle «Paris convention centre». En quelle langue faut-il prononcer ce nom ? «En anglais, soupire Michel Dessolain. Nous sommes quand même dans une compétition internationale.» Christophe Cuvillier, le patron d'Unibail, ajoute que pour «centre», «on a choisi l'orthographe britannique» (et non l'américain center). Une graphie un peu française aussi.