«Les enseignants doivent avoir en tête que dans leur classe, il y a potentiellement cet élève qu'ils ne voient pas forcément et qui ne réussit pas à l'école parce qu'il est dans cette situation de pauvreté», expose Clotilde Granado, responsable du réseau école d'ATD Quart Monde. L'association, très active pour éradiquer la misère, propose depuis plusieurs années deux modules de formation pour les profs. Le premier porte sur la connaissance des milieux de la pauvreté. «Nous avons des formateurs dans une partie des Espé [les Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation, ndlr], notamment à Lyon et Montpellier. Nous intervenons aussi, quand on nous sollicite, dans les écoles en éducation prioritaire.» Et les demandes sont nombreuses, tant les enseignants se sentent seuls et impuissants.
L'objectif de cette formation est de travailler sur la définition de la pauvreté, les idées reçues que peuvent avoir les profs, issus généralement de milieux sociaux favorisés. De les faire réfléchir sur leur expérience en classe, les réponses qu'ils ont parfois apportées à leurs élèves, et celles qu'ils auraient pu donner. «Il n'y a pas de bonnes réponses évidemment, mais en parler permet de changer de regard et de comprendre pourquoi tel enfant ne rentre pas dans les apprentissages», poursuit Clotilde Granado. C'est l'une des conséquences de la pauvreté : ces enfants n'arrivent pas à apprendre. Aux conditions de vie matérielles, s'ajoute un autre frein, symbolique : le conflit de loyauté. Quand l'écart entre son milieu d'origine et l'école est trop important, l'enfant ne va pas s'autoriser à rentrer dans les apprentissages car il a l'impression - même inconsciente - de trahir sa famille. «Si l'enfant ressent que ses parents sont humiliés ou pas respectés par l'école, il n'acceptera pas d'apprendre», précise ATD. D'où un deuxième module de formation, également très demandé : donner des clefs aux profs pour les aider à créer des ponts avec les parents, que ce lien famille-école se tisse, et que l'enfant le ressente.