Laurent Wauquiez lance son opération «coup de torchon». Après les défaites cinglantes de la droite à la présidentielle et aux législatives, place aux jeunes ! La vieille garde - les caciques du parti responsables de la déroute - est priée de prendre le large. Pourtant, la semaine dernière, pour le meeting des «jeunes avec Wauquiez», il ne fallait pas regarder de trop près les travées de ce grand hôtel parisien, plutôt occupées par des têtes chenues…
Les jeunes, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes les avait fait citer à comparaître à la tribune, ceux qui incarnent la relève et seront appelés à prendre des responsabilités dans le parti en cas de victoire de Laurent Wauquiez dans la course à la présidence de LR, dont le premier tour se tiendra le 10 décembre. Des miraculés de la bérézina de 2017, élus pour la première fois malgré la débâcle. «La relève, elle est là. Elle est l'arme au pied. Ils ont gagné sans rien lâcher sur leurs valeurs et sur leurs idées. Ce ne sont pas des techniciens au petit pied qui débitent des filets d'eau tiède. Avec eux, pas de compromis, pas de demi-mesures, ils font partie de ces gens que l'on n'achète pas. Ne vous en déplaise, Monsieur Macron», lance le favori de la compétition interne, qui affrontera Florence Portelli et Maël de Calan, deux candidats à la notoriété encore limitée. Il entend montrer au camp d'en face, celui des députés LREM, «ce qu'est vraiment le renouvellement en politique. Il passe par les convictions et les valeurs. Les adhérents d'En marche, on les a fait marcher justement avec cette idée du renouvellement». A cette nouvelle génération de la droite, Wauquiez entend «donner toute sa place pour tourner la page des erreurs du passé».
Dans les rangs de cette jeune garde, figurent Mathieu Darnaud, sénateur LR de l'Ardèche, Pierre-Henri Dumont, trentenaire et député du Pas-de-Calais, Emilie Bonnivard, députée de la Savoie ou encore le maire de Valence, Nicolas Daragon. De nouveaux visages qui, dans le sillage de Wauquiez, devront incarner LR aux yeux des Français, à l'instar des personnalités qui ont émergé à LREM et à La France insoumise. Parmi cette relève made in Wauquiez, on trouve aussi Aurélien Pradié, le député du Lot jugé «turbulent» par le président de l'Assemblée, François de Rugy, qui l'a convoqué pour l'appeler à un peu plus de tenue dans l'hémicycle.
Une génération née de la défaite qui espère devenir celle de la reconquête en se revendiquant d'une droite prête «à mettre en adéquation ses paroles avec ses actes, à faire plutôt que de se contenter de dire», résume Aurélien Pradié. Des jeunes pousses qui espèrent prospérer et croître dans un parti repris en main par le jeune vieux Laurent Wauquiez.
Aurélien Pradié, le miraculé
Photo DR
Aurélien Pradié est né sous une double bonne étoile. Qui lui permet d'être à la fois un rescapé et un miraculé. Un rescapé parce qu'au moment où la droite se prend la plus grande tôle de son histoire, il en réchappe et réussit le tour de force de se faire élire, à 31 ans, député sous l'étiquette LR sur une terre traditionnellement radicale-socialiste. Un miraculé donc. En 2014, il est élu maire de Labastide-Murat, une commune de 2 300 habitants. Des victoires successives enlevées prestement. Un parcours éclair qui lui permet aujourd'hui de figurer parmi les étoiles montantes de la droite. «J'ai donné mon parrainage à Laurent Wauquiez par fidélité, parce qu'il m'a toujours accompagné dans mon parcours politique. Aussi parce que j'ai l'assurance qu'il s'adressera à l'ensemble des Français et surtout aux plus modestes», explique le jeune élu qui se revendique d'une filiation chiraquienne et pompidolienne, d'un gaullisme social. «Les militants en veulent à la droite non pas d'être à droite, mais de n'avoir pas fait ce pour quoi elle avait été élue. Ils nous en veulent de ne pas avoir fait le job», explique-t-il avec la volonté de prendre toute sa place «dans le processus de reconstruction».
Guillaume Peltier, le populiste
Photo Albert Facelly pour Libération
Il fait partie de la jeune garde de Laurent Wauquiez, mais Guillaume Peltier, député du Loir-et-Cher, n'en est pas pour autant un perdreau de l'année. Ce quadra a déjà un long parcours politique derrière lui. Frontiste à l'adolescence, puis villiériste - proclamant dans les meetings du patron du Mouvement pour la France qu'il préférait «la France des bistrots à celle des bobos» - avant de rejoindre l'UMP la trentaine venue, par sarkozysme revendiqué. En plein reflux à droite, son engagement de longue date a fini par payer et lui a permis de prendre place au Palais Bourbon. Fondateur et animateur de La Droite populaire au sein de LR, il devrait occuper un poste de première importance en cas de victoire de Laurent Wauquiez. A côté de Virginie Calmels, représentante BCBG de la droite libérale, il devrait faire entendre une tonalité plus «populiste», un terme qu'il n'a jamais renié. «Ce que nous voulons, c'est réfléchir à la refondation d'une droite française qui s'est embourgeoisée, qui s'est perdue dans les courbes et les bilans, une droite techno et comptable», explique Guillaume Peltier qui, dans la ligne de ses premiers engagements, revendique «la primauté de la souveraineté du peuple».
Aurane Reihanian, le cadet
Photo DR
Le déclic s'est produit en 2015. Adhérent à l'UMP depuis 2012, Aurane Reihanian manque de temps pour s'engager, entre ses études et un parcours de rugbyman de haut niveau. Le Francilien s'investit davantage à partir de 2014 et devient un fidèle de Wauquiez à la faveur de la campagne régionale de 2015. «Une campagne, c'est assez intense» et «l'énergie passe» naturellement, raconte-t-il : «Quand Laurent gagne, il me propose un stage à l'Assemblée. Au bout de deux mois, il me demande de rester. Ça marche vraiment comme ça avec lui.»
A 22 ans, il devient l'assistant du député de la 1re circonscription de Haute-Loire, avant d'être promu responsable de la section jeunes de l'Ain. L'année suivante, Aurane Reihanian, diplômé de droit public à Assas, entame une thèse sur la rétention de sûreté et est nommé par Wauquiez conseiller technique à l'apprentissage à la région. Début octobre, il lance le Lab Républicains, un think tank de jeunes destiné à réformer la droite en vue de 2019 et 2022. Si Wauquiez est désigné à la tête de LR mi-décembre, Reihanian devrait, lui, prendre les rênes des Jeunes Reps.
Les «valeurs» qu'il défend sont celles de «l'identité» et de «la liberté». Une synthèse de circonstance, entre le discours musclé de Wauquiez et celui plus policé de Virginie Calmels, ex-juppéiste destinée à la vice-présidence du parti ? Pour Aurane Reihanian, la remarque vaut compliment.
Virginie Duby-Muller valeurs montantes
Photo AFP
Sportive tout comme Laurent Wauquiez (running et ski alpin), Virginie Duby-Muller a croisé sa trajectoire pour la première fois lorsqu’il était secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi. Lors de son élection en 2012, la députée de Haute-Savoie, 33 ans, est l’une des plus jeunes recrues de l’hémicycle. Elle détonne, d’autant que l’UMP ne compte alors que 14 % de femmes députées. Encartée l’année de son bac, diplômée de Sciences-Po Grenoble, la native de Bonneville débute sa carrière comme assistante parlementaire à Paris, avant de rallier ses terres en 2007 pour être la responsable de permanence, à Annemasse, du député Claude Birraux (UDF puis UMP) à qui elle succédera.
La Haute-Savoyarde dit son «besoin de [se] nourrir du terrain, d'être en prise avec les problématiques quotidiennes des citoyens», soulignant le «rôle de porte-voix» que lui confère son mandat. C'est aussi ce «côté terrain» qu'elle vante chez Wauquiez, lequel l'a nommée porte-parole de sa campagne, avec Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône. Au pinacle de cette nouvelle génération d'une droite «des valeurs», se trouvent «le travail, le mérite, l'effort», insiste Duby-Muller, qui se plaît à préciser qu'elle est passée par un collège de ZEP (au côté de l'insoumise Sophia Chikirou, qu'elle retrouvera sur les bancs de Sciences-Po).
Fille d'un directeur commercial et d'une cadre de santé, Virginie Duby-Muller, mariée et mère d'une fillette de 6 ans, se déclare «attachée à la famille traditionnelle, au modèle un papa, une maman». Catholique («une information d'ordre intime», se méfie-t-elle) et opposée au mariage pour tous, elle dit avoir «évolué» et ne plus être «catégorique» sur la PMA : «Le débat doit être posé, ça existe, il y a la question du suivi des femmes, de leur accompagnement et de la reconnaissance» des enfants nés. Entrée au bureau politique de LR en 2015, elle est déléguée nationale en charge du numérique aujourd'hui. Un sujet brassant une foule d'«enjeux transversaux et essentiels», dit-elle. Elle devrait avoir une place de choix au sein du prochain état-major du parti.