Ils sont une quarantaine à se présenter devant les grilles du 10, rue de Solférino, l'hôtel particulier qui fait encore office de siège du PS, mais que le parti est contraint de mettre en vente pour renflouer ses caisses. Tous sont là, ce mercredi, inquiets comme des salariés de GM&S ou de Whirlpool : ces permanents du Parti socialiste sont eux aussi menacés par le chômage. Comme dans une entreprise privée, la direction du parti a annoncé un plan social le 24 octobre : sur les 97 permanents qu'emploie le PS, 67 postes vont être supprimés. La défaite à la présidentielle puis la déroute aux législatives ont mis le parti sur la paille. L'argent ne rentre plus : les dotations publiques se sont effondrées en passant de 295 à 31 députés, sans compter la perte d'un grand nombre de militants et donc de cotisations. Devant la grille du siège, Romaric Bullier, délégué du personnel et mandaté porte-parole par le comité d'entreprise (CE), alerte : «Le PS est en danger !» C'était sa première prise de parole publique. Jusqu'à présent, les négociations étaient confinées à l'intérieur du parti. Mais pour ce plan social, la «procédure d'information et de consultation» des instances représentatives du personnel arrive bientôt à son terme.
Visages graves
A l'approche de la date légale de fin des négociations (le 26 décembre), le désarroi des salariés s'accroît. «Nous pensons désormais qu'il est de notre devoir d'interpeller l'ensemble des socialistes sur l'avenir du parti, s'il n'est pas à la hauteur de ses valeurs et de son devoir d'exemplarité sociale», annonce Romaric Bullier. Les visages des salariés sont graves. «La direction a présenté aux représentants du personnel un plan de sauvegarde de l'emploi unilatéral, sans aucun dialogue social, sans concertation préalable. […] Cette première mouture, tardive, nous ne l'avons pas acceptée, nous ne l'acceptons pas», assure le porte-parole du CE. Depuis un mois, des réunions ont eu lieu avec la direction pour tenter d'améliorer le plan. «Quelques avancées sur l'accompagnement et le reclassement des salariés» ont été obtenues, mais un désaccord de fond persiste : le nombre de licenciements, que les élus veulent revoir à la baisse. Selon le porte-parole du CE, il est possible de sauvegarder «six postes supplémentaires».
Un autre élu du personnel raconte : «Le plan social, on l'a appris le 24 octobre, mais début juin il y avait déjà des bruits de couloir. Tout le monde s'y attendait, mais on avait l'espoir qu'une négociation se fasse avec les organisations syndicales en amont.» Selon les salariés, en matière de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE ), le Parti socialiste ne fait pas mieux que certaines entreprises privées. Ce que conteste Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse et trésorier national du parti. «Dès le 24 octobre, j'ai annoncé que nous aurions des négociations avec les délégués et ça a été fait, il y a eu dix réunions depuis. La dernière s'est tenue mardi, nous allons continuer à avancer.»
«Au rabais»
Néanmoins, le trésorier n'est pas étonné de la décision des représentants du personnel de s'exprimer publiquement : «Cela ne me surprend pas que les salariés soient inquiets du PSE et je comprends qu'ils ne puissent pas l'accepter.» Mais il ajoute, avec les mots d'un chef d'entreprise en difficulté, que «ce qu'ils demandent à l'heure actuelle, ce n'est pas possible, il y a certaines limites financières». Jean-François Debat assure que son plan de réduction des effectifs, «costaud», n'est pas «un plan social au rabais».
Les salariés souhaitent que la plus-value générée par la vente du siège soit utilisée notamment pour le maintien de l'emploi, le renforcement du plan social, et pour verser une prime supra-légale «modulée» en fonction de l'âge, du salaire ou de l'ancienneté. Mais, selon Romaric Bullier, «la direction souhaite consacrer ces fonds, dont elle disposera dès 2018, au financement des prochaines séquences électorales jusqu'en 2022». Réponse du trésorier : «Si on peut financer le PSE, c'est parce que l'on vend Solférino.» Un salarié du PS explique que «de nombreux militants s'interrogent sur ce qu'est devenu l'argent du parti récolté grâce aux dotations annuelles tout au long du quinquennat de François Hollande». Ce qui agace un membre de la direction du PS, interrogé par Libération : «On n'est pas là pour faire de l'archéologie, ce n'est pas le sujet du jour, on est là pour parler de l'avenir du PS.» Une nouvelle réunion entre représentants et direction est prévue ce jeudi.