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justice

Affaire Maëlys : le suspect mis en examen pour meurtre

Lors de son audition, jeudi à Grenoble, l’ancien maître-chien militaire de 34 ans, a continué à nier les faits. Mais pour le procureur, «tous les éléments concordent».
Lors des recherches de Maëlys, à Saint-Béron, en Savoie, le 6 septembre. (Photo Jeff Pachoud. AFP)
publié le 30 novembre 2017 à 20h46

Trois mois après la disparition de Maëlys, 9 ans, aux premières heures du 27 août à Pont-de-Beauvoisin (Isère), lors d’une fête de mariage, les juges d’instruction ont interrogé jeudi au palais de justice de Grenoble, pour la première fois depuis sa mise en examen le 3 septembre, le principal et unique suspect, un ancien maître-chien militaire âgé de 34 ans.

Questionné toute la journée, le suspect, assisté de l'avocat Alain Jakubowicz, persiste sur sa ligne de défense : il nie «avec calme et une grande fermeté», selon le procureur de la République Jean-Yves Coquillat, toute responsabilité dans la disparition de la fillette, vue pour la dernière fois par ses proches lors de la fête, à 2 h 45. A l'issue de cette audition, les juges ont mis l'homme en examen pour «meurtre précédé d'un autre crime» (enlèvement et séquestration), a précisé le procureur.

Lessivage. Les juges disposent d'un ensemble d'éléments d'enquête qui font peser de lourdes présomptions sur le suspect. La police avait retrouvé très vite, quelques jours après la disparition, l'ADN de la fillette sur le tableau de bord de l'Audi du maître-chien. Une trace repérée malgré le lessivage intensif, minutieux et prolongé de la voiture, auquel s'était consacré le suspect dans l'après-midi du dimanche 27 août. Le 3 septembre, il avait reconnu devant les juges que la fillette était montée brièvement à bord de son véhicule, sur le parking de la salle polyvalente où se déroulait la fête de mariage, «pour voir si ses chiens n'étaient pas dans le coffre», avant d'en redescendre et de «rentrer à nouveau dans la salle des fêtes», selon son premier avocat, révoqué depuis.

Cette trace, ainsi qu'un ensemble de contradictions dans les déclarations du suspect sur ses allées et venues («il indique avoir fourni quelques produits stupéfiants au cours de la soirée à quelques-uns de ses amis», avait confirmé son ex-avocat), avait conduit les juges à sa mise en examen pour «enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de mineur de moins de 15 ans».

Depuis, malgré d'intenses recherches qui ne se sont quasiment jamais interrompues dans toute la région proche de Pont-de-Beauvoisin, riche en lacs, forêts et gorges impénétrables, aucune trace de la fillette n'a été retrouvée. En dépit d'un appel à «révéler tout ce qu'il sait» qui lui avait été adressé par voie médiatique par les parents de Maëlys, le suspect, incarcéré, n'était plus sorti de son silence. Son nouvel avocat expliquait d'ailleurs n'avoir «d'autre ligne de défense possible que le silence».

Les gendarmes de la section de recherche de Grenoble semblaient confrontés à un enlisement de l’enquête, dans un contexte difficile : une petite partie des scellés a été détruite lors de l’incendie volontaire de leur caserne, le procureur de la République de Grenoble a ouvert une enquête pour violation du secret de l’instruction qui les visait clairement, et, enfin, l’avocat du suspect, Alain Jakubowicz, a demandé l’annulation des toutes premières auditions de son client, au motif qu’elles n’avaient pas été filmées.

Vidéosurveillance. Jeudi, au moment où le suspect entrait en audition, l'instruction semblait enfin relancée. La cour d'appel a effectivement annulé ses premières auditions, décision annoncée le matin même. Mais, de l'avis de sources judiciaires concordantes, cela n'affaiblit en rien les charges pesant sur lui, qui ne reposent pas sur son premier interrogatoire.

Les juges disposent de plusieurs images tirées d'une caméra de vidéosurveillance du centre-ville de Pont-de-Beauvoisin, qui semblent accablantes. La première, prise à 2 h 47, deux minutes après la disparition de Maëlys, montre «un être humain de petite taille avec une robe blanche», selon le procureur, ce qui correspond à la tenue de la fillette, sur le siège passager d'une voiture formellement identifiée comme celle du suspect. La seconde, prise trente-sept minutes plus tard au même endroit, mais en sens inverse, montre la même voiture, dans laquelle il n'y a plus de petite silhouette blanche.

Quelques minutes plus tard, à 3 h 25, l'un des portables du maître-chien est de nouveau actif dans la zone de la salle des fêtes, alors que les recherches ont démarré. Le suspect avait activé le mode avion de son portable à 2 h 46. Il assure qu'il n'a jamais quitté le parking de la salle des fêtes, qu'il avait coupé son portable pour «économiser sa batterie» et que l'Audi visible sur les images de surveillance du centre-ville voisin «n'est pas la sienne», a précisé le procureur. S'il insiste sur la présomption d'innocence, ce dernier est affirmatif : «Tous les éléments, témoignages, vidéo, téléphonie, concordent.» Avant d'ajouter qu'il sera «difficile de retrouver le corps de la fillette si nous ne savons pas où chercher».