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Libération
Interview

Philippe Gomès : «Nous voulons une déclaration solennelle sur le patrimoine commun des Calédoniens»

Philippe Gomès, député représentant des loyalistes modérés, appelle à une mobilisation de chaque camp pour éviter de perdre les acquis de ces trente dernières années.
Dans la province Sud, dimanche. (Photo Théo Rouby. Hans Lucas)
publié le 30 novembre 2017 à 21h06

Député (apparenté UDI) de Nouvelle-Calédonie, ancien président du gouvernement local, Philippe Gomès est à la tête de Calédonie ensemble, la principale formation non-indépendantiste, tenante d’un loyalisme modéré.

La Nouvelle-Calédonie est-elle mûre pour la consultation sur l’indépendance qui s’approche ?

Une partie des Calédoniens l’appréhende, car ce scrutin va les réduire à ce qui les oppose. Donc il est susceptible de créer un climat de tension sociale, politique, ethnique, contraire au vivre-ensemble que l’on tisse depuis trente ans. La sérénité du vote va dépendre de notre capacité à tous, indépendantistes ou non, à mettre celui-ci en perspective, à expliquer qu’il ne sera pas un aboutissement, mais une étape.

Comment procéder ?

Nous proposons qu’une déclaration solennelle sur le patrimoine commun des Calédoniens soit faite avant le référendum, par les indépendantistes et les non-indépendantistes. Une manière de dire ce qui nous rassemble, de sanctuariser les acquis des trente dernières années : institutions, droit à l’autodétermination, valeurs républicaines, kanakes et chrétiennes… Si on y arrive, cela permettra de voter, pour ou contre, de manière plus sereine.

Mais ce «vivre-ensemble» est-il une réalité dans la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui ?

En fait, plusieurs réalités coexistent. A Nouméa, les communautés cohabitent, plus qu’elles ne vivent ensemble. Sur la côte est, le poids des événements des années 1980 a fait que la communauté kanake vit essentiellement entre elle. Mais dans les communes voisines de Nouméa et sur la côte ouest, la population est mixte et il y a un vrai vivre-ensemble. C’est vers cela qu’il nous faut tendre pour sortir vers le haut de notre histoire.

Faut-il envisager de nouveaux transferts de compétence ?

Notre mouvement propose une véritable souveraineté calédonienne au sein de la République. Il s’agit de nous gouverner nous-mêmes dans toutes les dimensions d’un pays. Nous avons déjà une large autonomie : il n’y a pas un texte voté à l’Assemblée nationale qui s’applique chez nous. Restent les compétences régaliennes : défense, justice, politique étrangère, ordre public. Nous n’avons pas les moyens de les prendre entièrement à notre charge. Mais nous pouvons y être davantage associés. Pourquoi pas un conseil de défense, dans lequel la Nouvelle-Calédonie aurait son mot à dire ? Pourquoi pas des assesseurs coutumiers associés à la juridiction pénale ?

Un retour de la violence est-il possible en Nouvelle-Calédonie ?

Faute d’un socle commun avec les indépendantistes, on risque de refermer la parenthèse démocratique ouverte en 1988. On a quitté une logique de quasi guerre civile pour une lutte par les urnes. Et les indépendantistes ont admis que d’autres que les Kanaks étaient légitimes à participer à ce choix. Ce double acquis pourrait être remis en cause si le scrutin était mal préparé. On peut revenir à une simple relation entre peuple colonisé et Etat colonial, et balayer trente ans de travail.