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Libération
Éditorial

Sens de l’histoire

publié le 30 novembre 2017 à 21h31

Trente ans après les accords de Matignon, la remarquable sagesse dont avaient fait preuve les protagonistes du jeu politique calédonien continuera-t-elle de prévaloir ? On se souvient que, sous l’égide de Michel Rocard, et grâce au travail de négociation mené préalablement, Kanaks et Caldoches s’étaient mis d’accord sur un compromis à la fois byzantin et efficace : le «Caillou» serait autonome sans l’être tout à fait, et les deux parties se donnaient rendez-vous plusieurs décennies plus tard, comptant de manière hautement avisée sur l’écoulement du temps pour apaiser les tensions. Le sens de l’Etat et de l’histoire des deux leaders de l’époque, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, avait compté pour beaucoup dans cette issue finalement pacifique, en dépit du fossé creusé par le sang versé. Pendant cette longue période transitoire, le pari s’est révélé fondé, puisque la cohabitation des communautés s’est somme toute déroulée sans conflit majeur. Il s’agit maintenant de trancher. Avec une remarquable abnégation, les indépendantistes ont accepté que les descendants des anciens colons décident au même titre que les habitants premiers du sort de cette terre aussi lointaine que magnifique. Ce qui ne garantit pas contre toute résurgence de la violence. Les différences d’origine se doublent toujours d’une inégalité des conditions qui attise les dissensions. Une jeunesse souvent délaissée, marginalisée, peut trouver dans le refus de tout accommodement un exutoire à sa frustration sociale. Pour que la démocratie fasse son office, on le sait, il faut que la minorité, quelle qu’elle soit, accepte les décisions de la majorité. Il est clair qu’une avancée supplémentaire vers l’autonomie limiterait d’autant les risques de dérapage. Pour y parvenir, il faut que l’esprit responsable du couple Tjibaou-Lafleur continue de souffler.