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Libération
Récit

Fusion de la région et des départements : la quête corse

L’île de Beauté vote ce dimanche et le suivant pour élire les représentants de la prochaine collectivité unique. Les nationalistes partent grands favoris.
Les candidats nationalistes Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, à Bastia vendredi. (Photo P. Pochard-Casabianca. AFP)
publié le 1er décembre 2017 à 20h16

Les Corses sont appelés aux urnes ce dimanche et le suivant pour élire les représentants de la future collectivité unique, fusion de la région et des deux départements. Dans cette élection aux enjeux inédits pour l’île, la liste Pè a Corsica (union des autonomistes et des indépendantistes) est donnée grande favorite.

Aux commandes de la région depuis deux ans, les nationalistes ont le vent en poupe, confortés qu'ils sont par une nouvelle dynamique électorale et par l'effondrement des partis traditionnels. Ils réclament d'ailleurs depuis des lustres la fin des départements, «nids du clientélisme», affirment-ils. «Des décennies durant, les partis traditionnels se sont servis des compétences sociales dévolues aux conseils généraux comme des leviers électoraux, dénonce une militante indépendantiste proche de la majorité. On a distribué les subventions et les faveurs sans jamais régler les problèmes de fond. Ce n'est pas comme ça qu'on va pouvoir mettre un terme à la précarité en Corse.»

Sueurs froides. L'avènement au 1er janvier de cette collectivité unique créé par la loi Notre apporte donc «l'espoir de faire un premier pas vers la fin d'un système qui n'a que trop duré», poursuit la militante. Le changement de régime sera l'occasion pour la majorité nationaliste, si elle est confirmée dans ses fonctions, «de simplifier et moderniser le fonctionnement de l'institution», assure un cadre administratif de la collectivité territoriale : «Il pourra y avoir plus de transversalité dans le traitement des problématiques et les acteurs économiques et associatifs auront désormais un interlocuteur unique. Cela permettra également une gestion plus cohérente des territoires car, pour l'instant, les disparités sont très importantes entre les deux départements.» Cette «révolution institutionnelle» ne s'accompagnera cependant d'aucune avancée sur l'autonomie (personne ne parle pour l'instant d'indépendance) de la région, réclamée par les nationalistes : compétences, personnels et recettes des trois entités fusionnent sans subir de mutations significatives. Mais pour ses futurs dirigeants, cela promet d'abord d'être un terrible casse-tête. «Nous-mêmes ne savons pas ce qui nous attend, confiait un élu de la majorité territoriale il y a quelques semaines. La charge de travail est titanesque, et ça ne fait que commencer.»

En dehors de toute considération politique, cette union donne déjà des sueurs froides à ceux qui sont chargés de l'organiser. «Trois cents agents planchent depuis des mois dans quarante sous-groupes pour que tout soit prêt au 1er janvier», assure un fonctionnaire territorial. Ils ont de quoi faire, notamment en ce qui concerne l'harmonisation des statuts des personnels. «L'organisation du temps de travail, les régimes indemnitaires et les avantages ne sont pas les mêmes dans les trois collectivités», détaille un haut fonctionnaire territorial. Dire qu'il faudra du doigté pour éviter les conflits sociaux au sein de la structure, préserver les équilibres financiers et la représentativité politique relève dans ce contexte du doux euphémisme.

D'autant que si la collectivité territoriale (nationaliste) et le conseil départemental de Haute-Corse (de gauche) ont joué le jeu, il n'en va pas de même pour la Corse-du-Sud. Farouchement opposé à la nouvelle institution, le président (de droite) du conseil départemental Corse-du-Sud, Pierre-Jean Luciani, a longtemps refusé de participer aux réunions préparatoires avec les autres élus. «Il ne veut pas nous communiquer les chiffres. Nous ne savons toujours pas exactement combien de personnes sont employées au département de Corse-du-Sud», se désole un fonctionnaire territorial chargé de préparer la collectivité unique.

Mauvais œil. Pierre-Jean Luciani n'est pas le seul à voir arriver le changement institutionnel d'un mauvais œil. Pour le secrétaire départemental de la CGT de Haute-Corse, Jean-Pierre Battestini, «la collectivité unique est une opération de restructuration et de rationalisation des moyens opérée par le gouvernement Macron». «Ceux qui pensaient que la nouvelle entité allait sonner le glas du clientélisme commencent à s'apercevoir qu'il s'agit simplement de faire des économies», prévient le syndicaliste.

Pour l'heure, le budget de la collectivité unique (1,2 milliard d'euros) équivaut peu ou prou à l'addition de ceux des conseils départementaux et de la région, mais Jean-Pierre Battestini craint des restrictions futures «qui se feront ressentir en termes de maintien des emplois et de service public».