En musicienne accomplie, Florence Portelli joue sa campagne «allegro ma non troppo ou parfois même vivace», sourit l'optimiste. Et elle entend bien faire entendre sa voix. Sans forcer la note pour autant, sans pousser dans les aigus. Mais avec assez de combativité pour ne pas s'en laisser compter. Portelli, candidate à la présidence de LR, ne se laisse pas impressionner par Laurent Wauquiez, donné gagnant. Elle suit la partition qu'elle a composée et l'exécute en solo sans l'apport des grands ténors du parti. «Avant, se présenter sans le soutien des barons était plutôt disqualifiant. Aujourd'hui, les militants s'en foutent. Si je me suis lancée dans cette bataille, c'est que j'y ai été poussée par des soutiens sur les réseaux sociaux. Vous ne me ferez jamais dire ce que je ne pense pas, simplement pour être dans l'air du temps ou pour des raisons électorales», jure la politique. Les autres partitions sont sagement ouvertes sur le piano du salon de sa maison de Taverny (Val-d'Oise). Il y a notamment celle du concerto n°5de Beethoven, récupérée chez les parents de son compagnon, joueur de bandonéon professionnel. Divorcée, la femme aux cheveux blonds est mère d'une gamine de 9 ans qui pratique le violoncelle. La musique, Florence Portelli dit l'écouter «en boucle. De manière presque compulsive. Quand j'aime un morceau, je fonctionne toujours de cette manière».
Que personne surtout ne vienne lui dire que sa présence dans cette compétition est anecdotique. Avec plus de 6 000 parrainages, trois fois plus que le nombre requis, la maire de Taverny, qui a enlevé cette commune de 26 000 habitants à la gauche en 2014 et a été la porte-parole de François Fillon lors de la dernière présidentielle, représente une réelle sensibilité au sein de ce parti. Elle prolonge une tradition séguiniste et revendique la nostalgie du vieux RPR. «Avant-hier, le RPR était un parti de masse alors qu'hier l'UMP et aujourd'hui LR ne sont que des partis de cadres qui ne se rendent plus compte de la réalité de la vie des gens. Il y a un hiatus avec les militants qui, toutes ces dernières années, ont eu l'impression d'être pris pour des abrutis», explique-t-elle.
Comme le proclame Wauquiez, elle entend, elle aussi, rendre la parole aux militants. «Sauf que moi je ne suis pas candidate à la présidentielle. Wauquiez veut utiliser le parti comme un levier pour 2022. Il ne parle pas de sa refonte. Je veux une vraie refondation à la fois fonctionnelle et idéologique.»
Florence Portelli s'agace quand on lui fait remarquer qu'entre Wauquiez et elle, les différences idéologiques n'ont pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarettes. Elle insiste : «Je n'irai jamais dire que le grand remplacement est une théorie comme une autre.» Cette catholique, qui ne se voit pas en grenouille de bénitier, précise : «On peut tenir un discours ferme sur l'immigration tout en appréciant la parabole du Bon Samaritain.» Elle a soutenu jusqu'au bout François Fillon pour qui elle avoue «un très grand respect». Elle a participé à l'organisation du meeting du Trocadéro … Mais s'est gardée d'y participer, ne cautionnant pas certains discours agressifs à l'encontre des journalistes notamment… Elle parle de fracture sociale et territoriale, de l'ascenseur républicain en panne. Elle juge ces thématiques «totalement abandonnées par Macron et les inspecteurs des finances de Bercy, mais aussi par la droite». Elle n'est pas loin de retrouver les accents de 1995 lorsque Jacques Chirac dénonçait la fracture sociale. Une thématique développée alors par Henri Guaino dont elle se dit proche. «Sauf qu'à l'époque, je soutenais Balladur parce que je pensais que Chirac n'avait pas de véritable colonne vertébrale.»
En 2005, elle vote pour la Constitution européenne «parce que vu d'où on partait, ce texte représentait une avancée». Mais elle estime que «la manière dont les partis de gouvernement ont géré les suites de ce référendum reste une immense tache noire. Ils ont fait un bras d'honneur à la volonté exprimée par le peuple et ça, ce n'est pas admissible». Un principe avec lequel cette diplômée en droit ne badine pas. Et pour cause.
Florence Portelli est la fille du professeur de droit à Assas Hugues Portelli. Admiré de ses étudiants, ce sénateur du Val-d'Oise de 2004 à 2017 a donné son dernier cours l'année dernière. Elle est aussi la nièce du magistrat Serge Portelli. Une lignée dont elle se revendique avec fierté tout en refusant catégoriquement qu'on la résume à cet héritage. Des proches de Wauquiez n'ont pourtant pas hésité à attaquer sur sa famille celle qui fut attachée parlementaire de son père. Elle a aussitôt sorti les griffes. «Parce que je suis une femme, on réduit mon identité à mon père et à mon oncle. C'est incroyable, alors que j'ai fait mes preuves. J'ai été élue maire en 2014, conseillère régionale en 2015 et je suis vice-présidente du conseil régional», rappelle-t-elle, histoire de remettre les pendules à l'heure, non pas par un excès de militantisme féministe mais «simplement pour être considérée pour ce que je suis». Face à ce genre d'attaques, son tempérament latin se réveille.
Ses racines viennent de l'autre côté des Alpes, «100 % toscane du côté de maman», corse, italienne et pied noir du côté paternel. «Mes parents se sont rencontrés à la fac de Nanterre grâce à Gramsci», raconte-t-elle. Son père a été un des premiers à introduire et commenter l'œuvre du penseur de gauche italien en France. Il lui a consacré deux ouvrages. Son prénom, Florence le doit aussi à la ville italienne. Trois à quatre fois par an, elle retourne au pays, voir la parentèle, du côté de Massa. «Pour me ressourcer et me retrouver moi-même sans tricher», pour rompre avec les jeux de rôle parfois imposés par la vie publique et auxquelles elle ne se plie guère. «Quand j'arrive à l'aéroport, ma cousine regarde si je n'ai pas l'air trop crevé, si je n'ai pas trop de cernes sous les yeux. Et puis, elle me dit : "Allez gioia [ma joie en italien, ndlr], on file à la maison."» Elle se délecte de tous les clichés associés à l'Italie : sens de la famille, grandes tablées où l'on s'interpelle, pasta servie généreusement et «tutti quanti». Jusqu'à l'amour du football et de l'opéra : «Si j'assiste à une représentation, c'est avec un paquet de Kleenex. Je pleure comme une Madeleine.»
Cette aînée de quatre enfants avoue juste une obsession, celle de «la peur du temps qui passe. Il faut que j'apprenne à tourner le dos à cette angoisse». Pourquoi cette hantise des heures qui s'égrènent ? Florence Portelli se mure. Sur le piano, le métronome, muet, se retient de donner le tempo.
23 mars 1978 Naissance.
2001 Maîtrise de droit public à Assas.
2008 Naissance d'Elena, sa fille.
2014 Maire de Taverny.
2016 Porte-parole de Fillon.
10 décembre 2017 Premier tour du scrutin pour la présidence de LR.
photo Audoin Desforges pour Libération