«Liberté pour les prisonniers basques!» Huit mois après le désarmement de l’organisation séparatiste ETA, le 8 avril, et de la remise de son arsenal (500 kg d’armes et 3 tonnes d’explosifs) aux autorités françaises, les «Artisans de la paix», ce collectif issu de la société civile et de la gauche indépendantiste basque, espère rassembler sous ce mot d’ordre plus de 10 000 manifestants ce samedi dans les rues de Paris.
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Soutenu par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et plus d'un millier d'élus de tous bords du département des Pyrénées-Atlantiques dont Jean-René Etchegaray, le maire UDI de Bayonne, et Jean-Jacques Lasserre, le président du Conseil départemental (Modem), l'objectif des organisateurs est de pousser «l'Etat français» à prendre «des mesures concrètes dans la résolution du conflit basque». En commençant par la libération à court terme des 62 membres de l'ETA incarcérés dans les prisons françaises. «Depuis l'abandon en octobre 2011 de la lutte armée par l'ETA, rien n'a bougé sur ce point même si François Hollande et Bernard Cazeneuve, le Premier ministre de la fin de son mandat, ont permis la restitution des armes de l'organisation séparatiste dans de bonnes conditions», pointe Jean-René Etchegaray. Un premier pas décrié côté espagnol par le gouvernement Rajoy, qui persiste à exiger la dissolution sans préalable de l'ETA et le démantèlement du dernier carré de ses clandestins planqués sur le sol français.
«Demandes concrètes»
Jusqu'ici, aucune arrestation n'a eu lieu sous la présidence d'Emmanuel Macron. Faut-il y voir le signe d'un changement d'attitude? «Du temps de François Hollande, Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, était sincèrement décidée à avancer sur ce dossier. Malheureusement, elle n'a pas réussi à se faire entendre face à un Manuel Valls campé sur la position espagnole. Aujourd'hui, Matignon et l'Elysée semblent aborder le conflit basque différemment, répond le maire de Bayonne, en pesant ses mots. Le climat de nos premières rencontres à la chancellerie a permis de poser un cadre de négociations. Récemment, la garde des Sceaux a levé le statut de détenu particulièrement signalé (DPS) de sept prisonniers basques. Cette décision n'a pas été prise sans l'accord du Premier ministre, mais c'est insuffisant. Nous avons fait remonter des demandes concrètes. Désormais nous attendons des actes forts.» En l'occurrence, le regroupement dans des prisons proches des domiciles des familles, l'application des remises de peine et des remises en liberté conditionnelle «systématiquement rejetées par le parquet», la libération immédiate des détenus gravement malades.
«Avec leur assemblée territoriale, les Corses ont montré la voie»
«A défaut, nous risquons de voir un sursaut de violence chez ceux au sein des indépendantistes qui estiment que l'ETA n'aurait pas dû désarmer unilatéralement sans avoir obtenu des garanties sur le sort des presos [«prisonniers» en basque, ndlr]», prévient Jean-René Etchegaray. «C'est une minorité. Mis à part cinq ou six d'entre eux, la majorité des prisonniers basques soutiennent le processus de paix», affirme Jean-François Lefort, dirigeant de Sortu, le parti de la gauche indépendantiste, qui vient d'achever, avec une délégation des «Artisans de la paix», un tour de France des prisons où sont détenus les «etaras».
«L'ambiance a changé. Avec 10% des voix aux dernières élections municipales, le mouvement indépendantiste pèse encore mais il peine à se renouveler. Les six années d'immobilisme des Etats français et espagnol qui ont suivi l'abandon de la lutte armée de l'ETA ont généré beaucoup de frustrations», estime Peyo, 28 ans. Comme beaucoup ici, ce jeune abertzale observe attentivement l'évolution de la situation politique en Catalogne et en Corse: «On les envie car ils ont réussi à gagner leur légitimité face aux Etats et à l'Union européenne. Avec leur assemblée territoriale, les Corses ont montré la voie. Si nous n'arrivons pas à nous faire entendre dans un cadre démocratique, un jour ou l'autre la violence politique resurgira au Pays basque.»
Six ans de processus de paix
20 octobre 2011 : ETA annonce l'abandon définitif de la lutte armée.
16 décembre 2016 : cinq militants des Artisans de la paix s'apprêtant à rendre inutilisable une partie de l'arsenal d'ETA sont interpellés à Louhossoa (Pyrénées-Atlantiques).
8 avril 2017 : ETA révèle l'emplacement de huit caches d'armes au Pays basque recouvrant l'ensemble de son arsenal. 20 000 personnes se rassemblent à Bayonne pour soutenir le processus de paix.
23 octobre 2017 : ouverture d'un «espace de travail » sur la question des prisonniers basques au ministère de la Justice.
9 décembre 2017 : manifestation à Paris des Artisans de la paix.