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Elections

L'île fera-t-elle «trembler l’Etat»?

Presque assurés de remporter le second tour des territoriales ce dimanche, les candidats de Pè a Corsica ne cachaient pas leur enthousiasme lors de leur dernier meeting.
Lors d’un meeting Pè a Corsica, jeudi à Bastia. Devant, de gauche à droite  : Jean-Guy Talamoni, Jean-Christophe Angelini et Gilles Simeoni. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 8 décembre 2017 à 20h36

«Avemu dighjià vintu, a sapemu ["nous avons déjà gagné, nous le savons", ndlr] Au dernier meeting de l'entre-deux-tours des élections territoriales (dans le cadre de la première collectivité unique de l'île), jeudi, les nationalistes corses n'ont pas joué les faux modestes. Sur la plage de l'Arinella, au sud de Bastia, ils ne sont pas tant venus faire de la politique que communier avec une foule transcendée. Sous le chapiteau, quelque 1 200 personnes se serrent. Partout, des drapeaux arborant la tête de Maure. Sur les sièges à l'avant et plus au fond, vers le bar, où s'échangent bières locales et sandwichs au pâté, des familles entières sont venues assister à «la conquête» de l'île. Un rassemblement aux airs de fête populaire, sans un seul policier pour assurer la sécurité.

Report de voix

Hilare à la fin de son discours, Jean-Guy Talamoni, actuel président de l'Assemblée de Corse et deuxième homme fort de la coalition Pè a Corsica derrière le leader autonomiste Gilles Simeoni, a exhorté la foule «à passer voir le mandataire financier» : pour renflouer les caisses de campagne évidemment, mais surtout pour disposer d'un «précieux reçu», «le plus beau des souvenirs», celui du jour où «la Corse aura fait trembler l'Etat».

De fait, après un score écrasant dimanche (45,36 % des suffrages), ce n'est plus seulement la victoire que visent les patrons de la région, mais la majorité absolue. «Nous-mêmes ne nous attendions pas à un tel chiffre, admet avec le sourire Jean-Christophe Angelini, conseiller exécutif sortant et troisième sur la liste Pè a Corsica. C'est la preuve que notre projet - basé sur une autonomie élargie de la future collectivité unique - a su fédérer les électeurs bien au-delà du mouvement national.»

Si un rapprochement avec la liste indépendantiste Core in Fronte (6,69 % des voix au premier tour) n’est pas à l’ordre du jour, les nationalistes de Pè a Corsica peuvent compter sur un report de voix important au second tour. Ils tablent également sur une mobilisation plus importante que celle du 3 décembre (47,83 % d’abstention), pour légitimer leur victoire et amorcer le futur rapport de force avec Paris. Ces dernières heures, de nombreux appels à recourir à des procurations ont été lancés.

«Dialogue»

Face aux nationalistes, les adversaires arrivent en ordre dispersé. Après avoir annoncé la constitution d’un «front républicain» et mené campagne sur l’air un peu daté de «tout sauf l’indépendance», Jean-Martin Mondoloni (droite régionaliste), Valérie Bozzi (LR) et Jean-Charles Orsucci (LREM) ont finalement décidé de faire cavaliers seuls. De quoi laisser place nette à la majorité sortante, qui conforte son irrésistible ascension dans le paysage politique insulaire…

Après la conquête «historique» de la région en 2015 et la victoire inespérée aux législatives de 2017 (trois députés sur quatre circonscriptions), les nationalistes ont toutes les chances de se tailler la part du lion. Une issue inédite pour le mouvement, cantonné à un rôle d'opposition pendant plus de quarante ans. Et un espoir de voir les relations avec Paris prendre un nouveau départ. «Jusqu'à maintenant, le gouvernement a opposé le silence le plus total à nos revendications, déplore Jean-Christophe Angelini. Nous pensons que cela ne pourra désormais plus être le cas. Il faut engager un véritable dialogue politique, des négociations à ciel ouvert. Nous sentons la volonté des Corses de se rencontrer, d'échanger pour construire un pays.»