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Les Basques dans les rues de Paris pour exiger la libération des «etarras»

Huit mois après le désarmement d’ETA, quelque 10 000 manifestants vont défiler ce samedi pour demander la libération de 62 membres de l’organisation toujours incarcérés en France.
Une manifestation des Artisans de la paix près de la prison de Réau (Seine-et-Marne), jeudi. (Photo Philippe Lopez. AFP)
publié le 8 décembre 2017 à 19h36

«Liberté pour les prisonniers basques !» Huit mois après le désarmement de l’organisation séparatiste ETA, le 8 avril, et la remise de son arsenal (500 kg d’armes et 3 tonnes d’explosifs) aux autorités françaises, le collectif des «Artisans de la paix», issu de la société civile et de la gauche indépendantiste basque, espère rassembler sous ce mot d’ordre plus de 10 000 manifestants ce samedi dans les rues de Paris.

L'objectif des organisateurs, soutenus par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et plus d'un millier d'élus de tous bords du département des Pyrénées-Atlantiques, dont Jean-René Etchegaray, le maire UDI de Bayonne, et Jean-Jacques Lasserre, le président (Modem) du conseil départemental, est de pousser l'Etat à prendre «des mesures concrètes dans la résolution du conflit basque». En commençant par la libération des 62 membres d'ETA incarcérés dans les prisons françaises. «Depuis l'abandon en octobre 2011 de la lutte armée par ETA, rien n'a bougé sur ce point, même si François Hollande et Bernard Cazeneuve, le Premier ministre de la fin de son mandat, ont permis la restitution des armes de l'organisation séparatiste dans de bonnes conditions», pointe Jean-René Etchegaray. Un premier pas décrié côté espagnol par le gouvernement Rajoy, qui persiste à exiger la dissolution sans préalable d'ETA et le démantèlement du dernier carré de ses clandestins planqués sur le sol français.

«Actes forts». Jusqu'ici, aucune arrestation n'a eu lieu sous la présidence d'Emmanuel Macron. Faut-il y voir le signe d'un changement d'attitude ? «Du temps de François Hollande, Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, était sincèrement décidée à avancer sur ce dossier. Malheureusement, elle n'a pas réussi à se faire entendre face à un Manuel Valls campé sur la position espagnole. Aujourd'hui, Matignon et l'Elysée semblent aborder le conflit basque différemment, répond Jean-Jacques Lasserre, en pesant ses mots. Le climat de nos premières rencontres à la chancellerie a permis de poser un cadre de négociations. Récemment, la garde des Sceaux a levé le statut de détenu particulièrement signalé (DPS) de sept prisonniers basques. Cette décision n'a pas été prise sans l'accord du Premier ministre, mais c'est insuffisant. Nous avons fait remonter des demandes concrètes. Désormais, nous attendons des actes forts.» En l'occurrence, le regroupement dans des prisons proches des domiciles des familles, l'application des remises de peine et des remises en liberté conditionnelle «systématiquement rejetées par le parquet» et la libération immédiate des détenus gravement malades.

«A défaut, nous risquons de voir un sursaut de violence chez ceux, au sein des indépendantistes, qui estiment qu'ETA n'aurait pas dû désarmer unilatéralement sans avoir obtenu des garanties sur le sort des presos  ["prisonniers" en basque, ndlr] », poursuit le maire de Bayonne. «C'est une minorité. Mis à part cinq ou six d'entre eux, la majorité des prisonniers basques soutient le processus de paix», affirme Jean-François Lefort, dirigeant de Sortu, le parti de la gauche indépendantiste, qui vient d'achever, avec une délégation des Artisans de la paix, un tour de France des prisons où sont détenus les etarras.

Barbouzes. Dans le «petit Bayonne», fief historique de la mouvance abertzale («indépendantiste»), la plupart des militants et des proches des prisonniers interrogés prévoit de se rendre à Paris dans les bus et trains affrétés par les organisateurs de la manifestation. Près de l'hôtel Monbar, où quatre jeunes militants d'ETA furent assassinés le 25 septembre 1985 par un commando de barbouzes des Groupes antiterroristes de libération (GAL) commandité par Madrid, on remarque à peine les affiches posées par les Artisans de la paix. «L'ambiance a changé. Avec 10 % des voix aux dernières élections municipales, le mouvement indépendantiste pèse encore, mais il peine à se renouveler. Les six années d'immobilisme des Etats français et espagnol qui ont suivi l'abandon de la lutte armée d'ETA ont généré beaucoup de frustrations», estime Peyo, 28 ans. Comme beaucoup ici, ce jeune abertzale observe attentivement l'évolution de la situation politique en Catalogne et en Corse : «On les envie car ils ont réussi à gagner leur légitimité face aux Etats et à l'Union européenne. Avec leur assemblée territoriale, les Corses ont montré la voie. Si nous n'arrivons pas à nous faire entendre dans un cadre démocratique, un jour ou l'autre la violence politique resurgira au Pays basque.»