Les oursins se raréfient en Méditerranée mais il en reste un très gros, qui risque d’égratigner sérieusement les Français continentaux. C’est la Corse. La victoire sans bavures des «natios» dans le scrutin de dimanche ouvre une nouvelle ère dans l’histoire de la République : la France toujours jacobine va devoir entamer des négociations d’autonomie avec les nouveaux élus, qui peuvent conduire, à terme, à l’indépendance de l’île. Car si les vainqueurs ont des accents de chattemite, tenant le langage du loup déguisé en petit chaperon bleu-blanc-rouge, leur objectif n’a pas varié. Il s’agit bien de séparer politiquement du continent cette île lointaine et pas tout à fait française. Certaines revendications sont audibles à Paris, notamment le transfèrement en Corse de ceux qu’on appelle improprement des «prisonniers politiques» (ils n’ont pas été condamnés pour leurs idées politiques mais pour des faits criminels), qui évitera l’humiliant va-et-vient des familles. En revanche, l’introduction, à égalité, de la langue corse dans les documents officiels pose un problème constitutionnel grave, de même que la création d’un «statut de résident» (cinq années de présence continue) pour l’acquisition d’une propriété immobilière sur l’île. Il s’agit, louable intention, de lutter contre la spéculation immobilière et contre l’éviction des locaux par la hausse des prix. Mais on craint aussi de voir s’instaurer, dans le foncier ou ailleurs, une sorte de «préférence nationale» corse, c’est-à-dire un avatar de la discrimination juridique xénophobe que le Front national rêve d’établir en France en matière d’emploi. Voilà qui s’annonce épineux. Au moins la victoire indépendantiste a-t-elle une vertu : mettre fin à l’affrontement armé et déplacer le conflit sur le plan politique, où les mots remplacent les balles. Pour le reste, Macronix en Corse n’est pas au bout de ses peines.
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