Quand Emmanuel Macron président de la République s’est adressé aux élus locaux pour la première fois en juillet, lors de la Conférence nationale des territoires, il a mis le feu à la savane. A la suppression de la taxe d’habitation, annoncée pendant la campagne, le nouveau président avait ajouté l’étincelle des 13 milliards d’euros d’économies à réaliser sur leurs dépenses d’exploitation. C’est donc un pompier Premier ministre qui a saisi l’occasion d’une «délocalisation» gouvernementale à Cahors et dans le Lot, pour y tenir la deuxième Conférence nationale des territoires et donner les petits coups d’extincteur là où il fallait.
Riquiqui
Premier sujet qui fâche, donc, ces 13 milliards d'euros d'économies que les collectivités devront réaliser dans les cinq ans à venir. Sachant qu'elles ont déjà avalé une baisse de 10 milliards d'euros sur leurs dotations globales de fonctionnement au cours des trois dernières années. Le chiffre a pu apparaître brutal mais, mais, mais… «il ne concerne que 340 collectivités», a précisé le Premier ministre, soit «les régions, les départements, les communes et intercommunalités qui consacrent plus de 60 millions par an à leur fonctionnement». Dit autrement : «1% des communes en France.» L'exécutif avait déjà mis en avant ce chiffre riquiqui lors du Congrès des maires en novembre, mais cela va mieux en le répétant.
Le «1%» sera invité à signer un «contrat». Les signataires s'engageront à ne pas augmenter leurs dépenses de fonctionnement de plus de 1,2% par an. «Si ce taux est respecté, la collectivité aura des dotations stabilisées. Et si elle fait mieux, elle pourra être aidée dans ses investissements.» Juste avant son discours, le chef du gouvernement admettait dans un couloir que «ces dernières années, les collectivités locales ont fait davantage d'efforts que l'Etat…» Quoiqu'elles y aient été un peu contraintes et forcées.
Lors du discours, Philippe les a assuré que l'Etat ferait un effort supérieur au leur en ne s'autorisant pas plus de 0,8% de progression de ses propres dépenses de fonctionnement. Même si l'Etat, contrairement aux collectivités, peut voter depuis trente ans un budget en déficit… Pour la brutale suppression de la taxe d'habitation, le Premier ministre a repris l'argument déjà utilisé par le Président devant les maires de France : «L'injuste» taxe sera supprimée dans le cadre d'une «refonte totale de la fiscalité locale».
«Nouvelle grammaire»
Mais au cours de ces trois jours, Edouard Philippe s'est surtout employé à expliquer l'entrée dans une nouvelle époque. «Que s'est-il passé ces derniers mois ? Nous avons essayé de clarifier ce qu'était la Conférence, de définir et d'inventer une nouvelle grammaire des relations entre l'État et les collectivités». Il a ajouté que «depuis la fin du cumul, la capacité de dialoguer avec les collectivités territoriales a été transformée», et il est vrai que parmi les bataillons de nouveaux députés de La République en marche, rares sont ceux qui ont eu à gérer une émeute de cité ou une fermeture d'usine.
L'Etat, a poursuivi le Premier ministre, «n'a pas vocation à engager un nouveau big bang territorial». En résumé : «Nous avons fait le choix d'un chemin inédit et plus compliqué basé sur le contrat.» Et de philosopher en évoquant son dispositif «inédit» : «Est-ce qu'il sera parfait ? Je ne sais pas mais il est bien meilleur que les coups de rabot.»
Retour des régions
La République en marche ne dispose guère de troupe dans les campagnes pour répandre la bonne parole du chef. En témoigne l'absence totale de comité d'accueil mercredi soir à Cahors, une rareté d'après les habitués de ces visites. Mais faute d'agréger des soutiens, Edouard Philippe sait comment prendre ses adversaires. L'Association des maires de France, divisée entre ceux qui veulent la bagarre (le vice-président, André Laignel, PS) et ceux qui préfèrent discuter (le président, François Baroin, LR), n'a pu envoyer qu'un «observateur». L'Association des départements de France est au bord de la scission, avec une dizaine de départements «pauvres» qui ne veulent pas négocier tant que l'Etat n'aura pas compensé la totalité des transferts qu'il a effectués sur leur dos. Et les régions, même si leur nouveau président, Hervé Morin, est vent debout contre l'idée d'un «transfert de l'apprentissage et de la formation au Medef», sont de retour à la Conférence.