C'est un bras de fer qu'Emmanuel Macron veut enclencher d'ici à 2019 pour liquider les régimes spéciaux de retraite de la SNCF. Grisé par sa «victoire par KO» sur les syndicats (dixit Jean-Luc Mélenchon) sur le dossier des ordonnances travail, le chef de l'Etat a ouvert ce nouveau front explosif cet été. «Nous demandons à la SNCF d'aller plus loin sur les réformes, le statut, la mobilité, le régime de retraite. […] Votre défi sera de ne pas rester sur la protection du passé», lançait-il, en juillet, dans la revue interne de la compagnie ferroviaire. Macron, qui fait miroiter en contrepartie une reprise de l'énorme dette de SNCF-Réseau par l'Etat (lire ci-dessus), ne prend cependant personne par surprise : durant sa campagne, il avait promis un alignement général de tous les salariés français sur le même régime de retraite. Mais de là à le faire sans mettre le feu à la maison SNCF, c'est une autre histoire. Car les gens du rail ont déjà avalé la réforme de 2010, qui a relevé de deux ans leur âge de départ à la retraite : depuis le 1er janvier 2017, il est passé de 55 à 57 ans pour les personnels non roulants et de 50 à 52 ans pour les conducteurs. Faire passer l'âge de départ à la retraite du petit monde cheminot à 62 ans et 43 annuités de cotisations (génération 1973) pour une pension à taux plein ? Dans les faits, l'alignement se ferait sur dix ans.
«Rien n'est arrêté, décidé», a toutefois rétropédalé Christophe Castaner début septembre au nom du gouvernement. Une pause tactique. Car sauf puissante mobilisation cheminote, la réforme se fera : la fin des régimes spéciaux est un marqueur majeur pour Macron. Et qui a l'avantage d'être populaire chez bien des Français qui jalousent le statut des agents du public. Et tant pis si ces «avantages» sont aussi la contrepartie d'astreintes (travail de nuit et le week-end, etc.) et de salaires moins élevés que dans le privé. Mais Macron joue sur du velours. Certes, nous ne sommes plus en 1995, qui avait vu la SNCF et la RATP paralysées pendant trois semaines lors de la mobilisation contre le plan Juppé. La CGT et SUD-Rail sont moins forts et rien ne semble pouvoir arrêter le Président. Mais on a déjà vu une réforme lancée comme un TGV dérailler sur un imprévu ou se prendre le mur d'une grève dure.