Accabler la SNCF ? Ce serait injuste et contre-productif. Non qu’elle soit exempte de reproches : les défaillances de ces derniers mois doivent être corrigées avec énergie. Mais ce réseau de philosophie égalitaire, moins polluant que les autres modes de transport, qui relie entre eux citoyens et territoires, est plus qu’une entreprise : un symbole démocratique et une institution de la République. Service public bénéficiant, encore pour quelques années, d’un monopole, elle sert l’unité de la société. Mais son unique actionnaire, l’Etat, ne l’a pas toujours aidée dans sa tâche. L’aventure du TGV, ce grand mythe national qui fleure bon le gaullisme sixties, a eu pour revers une négligence calculée envers les réseaux secondaires qui desservent au plus près les grandes banlieues et les territoires moins dotés. Une humanité un peu plus privilégiée (classes moyennes et supérieures en majorité) a mené grand train, circulant à plus de trois cents kilomètres heures, tandis que les autres s’entassaient souvent, sinon dans des tortillards, du moins dans des rames plus austères et plus lentes, sujettes aux retards et aux pannes à répétition. Certaines lignes de RER, de TER ou d’Intercités devenant la caricature d’un service public qui maltraite le public. Avec en prime un endettement abyssal lié certes à certaines lourdeurs du statut - qu’on veut réformer - mais surtout aux investissements massifs consentis pour faire gagner une heure ou deux aux passagers pressés des centres-villes. Reprendre la dette, quitte à faire payer les contribuables plus que les usagers, orienter les investissements vers les trajets du quotidien, préparer l’entreprise à l’incontournable ouverture à la concurrence : les priorités s’imposent d’elles-mêmes. Les décisions ne peuvent plus rester à quai. Dans le nouveau monde qu’on nous annonce, le bon vieux train reste un instrument décisif.
Dans la même rubrique