Cheffe du département démographie de l’Insee, Valérie Roux trace les contours de deux France, celle du «croissant fertile» et celle de l’attractivité.
Y a-t-il un rééquilibrage démographique entre Paris et les métropoles régionales ?
Paris est aujourd’hui en baisse démographique, alors que sa population augmentait jusque-là. La capitale a toujours eu une natalité forte, grâce aux jeunes qui s’y installent durant leurs études ou en début de vie active et y fondent une famille. Mais comme pour l’Ile-de-France en général, c’est une question de cycles : passé un certain âge, ces jeunes finissent par repartir, à la recherche d’un mode de vie différent. Ils s’installent alors dans les nombreux pôles urbains qui cumulent migration et natalité positives.
Comment expliquer la concentration dans ces métropoles ?
L’emploi a tendance à être de plus en plus concentré. Les départements qui croissent le plus sont à proximité d’une métropole. Des villes comme Montpellier, Nantes, Nîmes ou encore Argenteuil sont parmi les plus dynamiques. Au niveau communal, ce sont ces pôles urbains qui attirent, notamment leurs couronnes. Autour, la périurbanisation s’étend encore. Ce dynamisme de l’emploi attire de jeunes couples, ce qui entraîne une natalité plus élevée.
Alors pourquoi la carte de France de la natalité est-elle inversée par rapport à celle de l’attractivité ?
C’est qu’au niveau des mouvements de population, il y a clairement deux France. La France du Nord, en y incluant l’Ile-de-France, est relativement jeune, donc avec une forte natalité. C’est cette zone que l’on appelle «le croissant fertile». Mais elle attire peu. De l’autre côté, le centre et le Sud-Ouest ont une population plus âgée, avec plus de décès que de naissances. Mais les mouvements de population leur sont bénéfiques. On se retrouve donc avec une image presque inversée entre la France de la natalité et la France des migrations.
La population délaisse-t-elle le Sud pour d’autres régions, comme l’Ouest ?
Ces dernières années, le pourtour méditerranéen est en effet devenu beaucoup moins attractif. Les départements d’outre-mer sont aussi en perte de vitesse. Beaucoup de facteurs peuvent l’expliquer : prix du foncier, dynamique de l’emploi… La façade atlantique, en revanche, reste une zone où des départements continuent d’être attractifs. Mais globalement, on en compte de moins en moins. Seuls onze départements ont un solde migratoire qui s’améliore.
Comment expliquer que des communes isolées, situées hors de l’influence des métropoles, attirent aussi ?
Une partie de la population est à la recherche d’un «retour à la terre». Ces communes, qui ont perdu beaucoup d’habitants pendant des années, sont sans doute arrivées à leur limite. La population y est âgée, elle bouge peu. Il n’y a donc pas de départs mais de nouvelles arrivées. La région Centre, dans la «diagonale du vide», par exemple, a une démographie en baisse. Mais seuls l’Indre et la Nièvre cumulent des soldes naturel et migratoire négatifs. Pour les autres départements, les mouvements de population sont plutôt favorables. Cela s’explique par l’arrivée de jeunes retraités, mais aussi par la recherche de ce nouveau mode de vie.