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Libération
Interview

Fabrice Lenglart : «La France n’est pas suradministrée»

Contrairement à une idée reçue, le pays est plutôt dans la moyenne de l’OCDE en termes d’emplois publics. Mais il a de fortes dépenses sociales, explique le numéro 2 de France Stratégie.
Le ministère des Finances à Paris (AFP)
publié le 2 janvier 2018 à 21h26

Fabrice Lenglart est commissaire général adjoint de France Stratégie, qui a publié fin décembre une étude comparative dans les pays de l’OCDE sur l’emploi public. Celle-ci relativise le cliché d’une France championne des dépenses publiques, et souligne la spécificité de notre système de redistribution.

En termes d’effectifs de fonctionnaires, la France est-elle suradministrée ?

Pour les 19 pays «avancés» que compare l’OCDE, on est à une moyenne de 83 emplois publics pour 1 000 habitants. Avec un taux de 89 agents publics pour 1 000 habitants, la France se situe dans la moyenne haute, mais elle n’est pas suradministrée. Elle est même dépassée par les pays du Nord (Norvège, Danemark, Suède, Finlande, Canada). Et son taux d’administration est très stable depuis trente ans, alors que celui de la Norvège, par exemple, a progressé.

S’agissant des salaires, comment sont payés nos fonctionnaires par rapport aux autres pays ?

Autant la France est dans la moyenne haute en termes de taux d’administration, autant concernant les salaires, on est vraiment dans le milieu. C’est très visible dans le domaine de l’éducation : nous sommes dans une position intermédiaire. On peut noter que le nombre d’enseignants par élève y est moins élevé que dans beaucoup d’autres pays.

Quel est le poids des dépenses publiques «hors personnel» (investissement, entretien, achats de prestations privées…) ?

Il s’agit là aussi de relativiser le discours tout venant qui consiste à dire que la France est championne des dépenses publiques. Les dépenses de fonctionnement représentent 18 % du PIB en 2015, nous situant dans la moyenne des pays de l’OCDE. Comparé à d’autres pays comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne, la France a peu recours à la sous-traitance (seulement 5 % de son PIB). Cette faible externalisation permet de resserrer l’écart des dépenses. De plus, notre étude permet d’attirer l’attention sur le fait que les services publics peuvent être organisés différemment d’un pays à l’autre. En Allemagne, contrairement à la France, le personnel hospitalier n’est pas sous contrat public. Mais il est rémunéré par l’administration des hôpitaux. Ce sont donc des emplois publics indirects, n’apparaissant pas dans les périmètres de calcul.

En revanche, la France est bien championne des prestations sociales (35 % du PIB) ?

Oui, la France est en tête en termes de distributions monétaires : prestations familiales, minima sociaux, retraites… Mais cette particularité tient à des choix sociaux. La France est plus socialisée qu’administrée. Notre spécificité n’est pas liée aux dépenses publiques en général, mais à la place de notre système redistributif. C’est une question de solidarité qui vise différents risques tels que le chômage, les retraites, la maladie…

Alors pourquoi l’image de la France suradministrée est-elle si tenace dans les discours médiatiques et politiques ?

Une partie de ce discours est tenue par ceux qui pensent que l’on devrait baisser les dépenses de redistribution : c’est une option politique possible. On retient souvent un ou deux gros chiffres, concernant par exemple la masse des dépenses publiques par rapport au PIB. En oubliant ce que recouvre cette masse… Or, il faudrait faire la part des choses entre nos choix publics communs, et l’efficience de notre dépense publique.