Bis repetita ? Selon l’Institut Pasteur, la bactérie à l’origine de la contamination à la salmonelle de l’usine Lactalis de Craon (Mayenne) est probablement la même que celle qui a frappé le site de laits infantiles en 2005 et avait entraîné plusieurs rappels de produits. Le 8 décembre dernier, Lactalis avait dû stopper sa production de laits infantiles en poudre après la découverte de la salmonelle dans des laits de ses marques Picot et Milumel. Fin décembre, l’agence gouvernementale Santé publique France avait recensé 35 nourrissons atteints de salmonellose depuis mi-août, dont 31 ayant consommé un lait infantile de l’établissement de Craon. Seize enfants avaient dû être hospitalisés avant d’être déclarés hors de danger.
«D'après les analyses, les deux salmonelles, celle de 2005 et de 2017, sont extrêmement proches», avance le bactériologiste Simon Le Hello, du Centre national de référence salmonelle de l'Institut Pasteur à Paris, qui enquête sur cette bactérie. L'usine mayennaise avait en effet été déjà frappée par une salmonelle alors qu'elle appartenait à la société Celia, avant d'être rachetée en 2006 par Lactalis. «On va probablement confirmer, parce que ça reste pour l'instant une hypothèse, que la souche de 2017 dérive de celle de 2005. Et on va s'assurer qu'il n'y a pas eu de cas de contamination très sporadiques entre ces deux dates», indique le scientifique. Une comparaison des deux bactéries va être réalisée par l'Institut Pasteur, car ce dernier conserve des souches anciennes.
Citant un cas similaire survenu sur des céréales soufflées aux Etats-Unis, la Revue de l'industrie agroalimentaire (RIA) avance, elle, que «des travaux dans l'usine ont pu remettre la bactérie en contact avec le produit». Hypothèse en concordance avec les déclarations de Lactalis, qui, le 3 janvier, rappelait que des travaux avaient été réalisés dans l'usine mayennaise lors du premier semestre 2017 et que les «causes potentielles» de contamination étaient connues. A Craon, la zone de production des produits infantiles fermée le 8 décembre est toujours à l'arrêt et des opérations de décontamination sont en cours. Lactalis espère rouvrir son site courant février.
Enquête préliminaire
Le 22 décembre, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris, notamment pour «blessures involontaires» et «mise en danger de la vie d'autrui». Du côté des clients, une première plainte a été déposée mi-décembre par le père d'une fillette de trois mois qui avait consommé un lot concerné par les rappels, mais sans tomber malade. Il a également créé un collectif de victimes et dit être contacté quotidiennement par des parents en colère. Le 28 décembre, l'association de consommateurs UFC-Que Choisir a également porté plainte contre Lactalis. «Face à ce scandale sanitaire, on se demande comment une telle contamination est possible avec ce niveau d'exigence sanitaire et pourquoi on l'a découverte aussi tard», déclare à Libération Nicolas Godfroy, responsable juridique de l'association. Ce dernier demande «une transparence totale» dans l'enquête en cours «pour rassurer les consommateurs». Selon UFC-Que Choisir, il existe en outre un «préjudice d'inquiétude des parents à réparer».
D'autres plaintes sont en cours, avance France Bleu: «Une dizaine de plaintes seront déposées cette semaine ou dans les quinze jours à venir. Et il y en aura probablement des dizaines d'autres d'ici la fin du mois de février. Des plaintes individuelles, par famille, par parents, pour non-assistance à personne en danger concernant les nourrissons qui n'ont pas été malades. Et pour mise en danger de la vie d'autrui et blessures involontaires, comme motif retenu pour les bébés hospitalisés.»
Mardi, le premier groupe français de grande distribution, E.Leclerc, a reconnu avoir vendu des reliquats de produits Lactalis concernés par le rappel du 21 décembre dans certains de ses magasins : «il apparaît que 984 produits ont malgré tout été vendus après le rappel dans plusieurs magasins», indique le distributeur dans un communiqué, sans localiser les points de vente concernés. E.Leclerc explique avoir constaté le problème après avoir procédé à «un audit interne de vérification».