«Le présent n'est pas un passé en puissance, il est le moment du choix et de l'action», écrivait Simone de Beauvoir dans l'essai Pour une morale de l'ambiguïté (1947). Simone de Beauvoir, grande sachem du féminisme français, est née un 9 janvier. Pile cent neuf ans plus tard, ce 9 janvier, un collectif de 100 femmes dont Catherine Deneuve, totem du cinéma et de la féminité hexagonale, a publié une tribune contre «la vague purificatoire» qui serait à l'œuvre depuis l'affaire Weinstein.
C'est un présent dangereux que l'on vit ces temps-ci, alerte ce texte aussi strident qu'un signal d'alarme, au champ lexical de bataille : «justice expéditive», «ennemis extrémistes», «procureurs», «société totalitaire», «révisionnisme», «haine», «proie», «victime».
Alors, oui, certains arguments sont valables et soulèvent des enjeux de taille. Le risque, notamment, que des accusés le soient à tort. Et comment ne pas tiquer à l'idée que des normes #MeToo se mettent en place jusque dans la sphère privée et la création artistique ? Et si la «libération de la parole» avait pour effet boomerang de recorseter la société - l'année même des 50 ans de Mai 68 ?
Reste que ce scud anti- #MeToo est à la fois théorique et passéiste. Appeler à considérer un frotteur du métro comme «l'expression d'une grande misère sexuelle, voire d'un non-événement»suppose de vivre sur une planète épargnée par les périodes de pointe et d'avoir suffisamment de pouvoir et/ou d'heures sur le divan pour tranquillement relativiser. Louer «la liberté d'importuner» sans délimiter la frontière où commence l'agression sexuelle est désinvolte. La défense de la «drague insistante» ou de la «galanterie» rappelle, elle, l'éloge de la grivoiserie par Christine Boutin : l'idée qu'une certaine culture, socle d'un chouette passé, serait en danger. Il faudrait donc le défendre, avant même les femmes (de toute façon, leur «liberté intérieure est inviolable»selon les signataires) ? Discutable. Au minimum.