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Candidatures

Élections au PS : six mâles au nom de la rose

Déclarés ou sur le point de l’être, les candidats au poste de premier secrétaire multiplient rencontres et manœuvres. «Libération» les a suivis durant vingt-quatre heures.
Lors des vœux du Parti socialiste, rue de Solférino, à Paris, mercredi. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 10 janvier 2018 à 20h46

Tout était calme, silencieux. Soudain, le PS a allumé la lumière. Enfin, Stéphane Le Foll. L'ancien ministre de François Hollande a annoncé sa candidature au poste de premier secrétaire en vue du congrès qui se tiendra à Aubervilliers les 7 et 8 avril. Sans prévenir ses copains. Et tout s'est accéléré. Dans la foulée, Olivier Faure s'est jeté dans l'aventure. Lui aussi est candidat. Et ce n'est peut-être pas terminé : Rachid Temal et Julien Dray s'interrogent un tout petit peu. Une aubaine pour les deux autres postulants officiels : Luc Carvounas et Emmanuel Maurel se frottent les mains, observent le courant majoritaire du parti se diviser. «On va vers un mélange de Rennes et de Reims», les deux congrès les plus conflictuels de l'histoire récente du PS, soupire un premier secrétaire fédéral. Les quatre candidats jurent que non, que tout se passera bien. Retour sur les dernières 24 heures, dans les coulisses des chapelles socialistes.

Mardi 18 heures. «Olivier, c’est un glaçon»

C'est la porte d'à côté, au 8, rue de Solférino. Sous la houlette de François Rebsamen, c'est au siège de la Fédération des élus socialistes que ceux qui s'appelaient les «Hollandais» pendant le quinquennat se retrouvent une fois par semaine depuis quelques mois. Mardi soir, certains l'ont encore un peu saumâtre d'avoir appris dans la presse la candidature de Stéphane Le Foll au poste de premier secrétaire, mais l'heure n'est pas aux atermoiements. Il faut se mettre au boulot et vite. Rédiger un texte d'orientation «pour relégitimer la ligne sociale-démocrate», explique l'ancienne secrétaire d'Etat Martine Pinville, qui salue en Le Foll «un homme d'expérience et d'autorité». Organiser la campagne et les déplacements. Poitiers, Bordeaux, Lille, où une salle a été louée, le Sud-Ouest : le calendrier se garnit rapidos. Vu la tournure de la journée, personne ne doute plus qu'Olivier Faure, le patron des députés PS, va aussi se présenter. Du coup, les mots doux pleuvent déjà. «Olivier n'est pas un leader d'hommes», «Olivier, c'est un glaçon», «Olivier n'a que son âge comme programme», entend-on dans les rangs. Bref, de la bienveillance et du fond.

Mardi 18h30. La «bande des quadras» règle les derniers détails

Ils se retrouvent dans un petit rade, pas très loin de la rue de Solférino. Parmi les présents, la maire de Nantes, Johanna Rolland, la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, le trésorier du PS, Jean-François Debat, Olivier Faure… et Najat Vallaud-Belkacem, la femme qui a dit non. Le rendez-vous était fixé depuis quelques semaines. Durant une bonne heure, la bande prépare la réunion d'après, celle de la majorité, afin de convaincre les indécis. Ceux qui hésitent entre Le Foll et Faure. Ce n'est plus le cas de plusieurs premiers fédéraux à l'image d'Emmanuel Grégoire, Valérie Rabault - qui pourrait remplacer Olivier Faure à la présidence des députés socialistes -, Nicolas Brien et Sébastien Vincini. Ils échangent depuis plusieurs jours avec les «quadras» pour mener la bataille sous la même étiquette. La confiance est de mise. «Je ne suis pas inquiet, ça avance bien avec eux et dans quelques jours on formera une belle équipe élargie», souffle un proche d'Olivier Faure, qui ajoute : «Je n'ai rien contre Stéphane Le Foll mais il incarne le passé et il refuse de faire le bilan du quinquennat. Pour lui, tout était super, il refuse de faire des critiques, de se remettre en cause. A l'entendre, on se demande pourquoi Hollande a renoncé à se présenter…»

Mardi 20h30. Ça se bouscule à Solférino

Réunir le courant majoritaire du parti autour d'un programme et d'une personnalité : c'était l'objectif en décembre. Une réunion avait été fixée. Sauf que, mardi matin, quelques heures avant les retrouvailles, tout a explosé en vol après l'annonce de Stéphane Le Foll. Résultat, la tension est montée tout au long de la journée et beaucoup de socialistes se sont précipités à Solférino. «Des mois que c'est le désert dans les couloirs du PS après les défaites du printemps et avant le plan social. Mais là, tout d'un coup, il y a foule», peste un présent. La réunion débute, traîne. Les échanges pleuvent. Stéphane Le Foll est absent mais ses porte-voix, à l'image de François Rebsamen, veillent, répliquent. Olivier Faure, lui, prend la parole en milieu de soirée. Il livre ses intentions, revient sur son parcours, sa première carte du PS à 16 ans, son profil de «partageur» de responsabilités. Un témoin : «C'était une AG de l'Unef, une salle totalement faite pour Faure, avec la claque et les allégeances programmées.» Marisol Touraine, discrète depuis sa défaite lors des législatives, est dans les parages. Elle est restée silencieuse tout au long des trois heures. Pas un mot. De son côté, Julien Dray, qui fait miroiter sa candidature, a séché la réunion afin de «rester au-dessus des règlements de compte».

Mercredi 11 heures. Rachid Temal, «le balancier» cache ses ambitions

Pour présenter les vœux du PS, Rachid Temal, coordinateur du parti depuis septembre, arrive dans la petite salle de presse. Face à lui, une cinquantaine de journalistes - c'est tout nouveau pour lui - et quelques collègues socialistes. Notamment le trésorier du parti, Jean-François Debat, et François Kalfon, le copain d'Arnaud Montebourg qui discute beaucoup avec Luc Carvounas. Temal déroule un discours politique. Il revient sur l'année cauchemardesque des socialistes, tape sur Emmanuel Macron, «le président des riches». Mais la petite foule n'est pas dans les parages pour ça. Le discours terminé, les questions fusent : «Monsieur Temal, une réaction sur les candidatures de Faure et Le Foll ?», «Monsieur Temal, vous serez candidat ?» Le coordinateur botte en touche : «Pas le lieu ni le moment.» Mais en petit comité, il ne ferme (toujours pas) la porte à une candidature. Il ne devrait pas tarder à indiquer ses ambitions. Une place l'attend chez Stéphane Le Foll, qui le drague, lui promettant une belle place. Olivier Faure lui fait également un peu du pied. En fait, Rachid Temal, peu connu du public mais reconnu dans les tractations internes, se voit comme «le balancier» de la majorité, l'homme qui peut faire basculer le congrès.

Mercredi 11h40. Emmanuel Maurel et les «débiles»

Le député européen arrive à Solférino. Seul hic, Rachid Temal n'est plus sur scène. Le candidat à la présidence du PS, qui a annoncé sa candidature sans le vouloir dans la presse début janvier, a mal lu l'horaire : «Je pensais que c'était à 11 h 30.» Les caméras et micros l'entourent. Il déroule ses ambitions : dépasser l'aile gauche, «tourner la page des courants». Jeudi, il mettra en ligne un premier texte - avant le dépôt des motions le 27 janvier - afin de mettre en lumière les premières lignes de son projet. On lui rappelle que de nombreux socialistes lui ont collé l'étiquette «France insoumise» sur le front. Ça l'agace : «Je connais très bien ce genre d'attaques pour disqualifier les candidats. Je suis socialiste, je reste socialiste mais oui, il faut discuter avec toute la gauche.» Maurel reste persuadé que la gauche a une chance de se relever et de «prendre le pouvoir» lors de la prochaine présidentielle. Il argumente : «Si nous ne sommes pas débiles, et ça, ce n'est pas certain, ça peut le faire.»

Mercredi 13 heures. Jean-Christophe Cambadélis passe à table

Le dernier premier secrétaire se pointe au restaurant Thoumieux. Autour de la table, Jean-Christophe Cambadélis a réuni quelques journalistes comme au bon vieux temps. Il a rendu le trousseau de Solférino cet été mais il n'a pas rangé sa caisse au garage. Une fois par semaine, il enfile son costume de chroniqueur sur LCI. Et son téléphone reste connecté avec l'actualité du PS de jour comme de nuit : il laisse traîner son oreille, tire quelques petites ficelles, distribue ses conseils, notamment à Rachid Temal. Une manière de pas perdre la main. L'accélération des candidatures, lors des dernières 24 heures, ne le surprend pas. Il aurait préféré une seule tête du courant majoritaire mais selon lui, ce n'est pas forcément une mauvaise chose, «ça prouve que le parti est toujours attractif». Olivier Faure ? Stéphane Le Foll ? Jean-Christophe Cambadélis ne donne aucune indication sur son chouchou. Il dit juste que, pour les socialistes, la pente est moins raide qu'hier mais qu'il faudra encore un petit moment avant de voir le soleil briller. Ou pas.