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Libération
Libé des animaux

Le vison d’Europe, symbole d'une biodiversité menacée

Mis en péril par la destruction des cours d’eau, le piégeage et l’introduction de son cousin américain, ce petit carnivore des zones humides est en danger critique d’extinction en France.
Un vison d'Europe, mustela lutreola, photographié en France par l'Office national de la chasse et la faune sauvage (ONCFS). Photo Julien Steinmetz.
publié le 11 janvier 2018 à 7h11

Le vison d'Europe va-t-il prochainement entrer au panthéon des espèces disparues de notre territoire ? Avec 250 représentants grand maximum, supposément répartis entre le sud de la Charente-Maritime et les Landes, Mustela lutreola – c'est le nom scientifique de ce petit carnivore semi-aquatique – est depuis novembre classé par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans la catégorie des espèces hexagonales en danger critique d'extinction, comme l'ours brun.

«Le vison d'Europe est, en France, le mammifère le plus en danger, s'inquiète le naturaliste Christian Arthur, président de la Société française d'études et de protection des mammifères (Sfepm). Depuis qu'il a été inscrit sur la liste rouge en 1984, ses populations et son aire de répartition sur la façade Atlantique ont encore dramatiquement été réduites.» Un déclin inéluctable ? «On peut difficilement être optimiste, confirme Julien Steinmetz, de la délégation régionale de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Depuis que l'espèce est suivie, il n'y a pas un seul pays où elle se porte bien.»

Dégradation des zones humides

Cet état particulièrement préoccupant de conservation est la conséquence, selon les scientifiques, d'un cocktail de facteurs chacun difficilement quantifiable. En cause d'abord, la destruction par un aménagement du territoire peu regardant de l'habitat naturel de ce mustélidé habitué des marais et petits cours d'eau. «Son déclin traduit une dégradation continue au cours du siècle dernier des zones humides françaises, déplore Julien Steinmetz. C'est pour cela qu'il faut poursuivre les efforts de préservation de ces zones.»

Autre menace, qui pèse encore sur le petit animal à côté de la circulation routière : le piégeage, dont il est une victime collatérale. Malgré son statut d'espèce protégée, acquis en 1976, le vison d'Europe est en effet parfois confondu par les piégeurs agréés avec son cousin américain, classé «nuisible» lui. «On sait par expérience que des piégeurs confondent parfois l'animal avec le putois, lui aussi menacé, ou le vison d'Amérique, soulève Christian Arthur. Il faut donc mettre l'accent sur le contrôle du piégeage dans les régions concernées.» «Cela a eu un impact important mais les piégeurs font aujourd'hui des efforts puisqu'il y a obligation d'identifier les espèces piégées, nuance pour sa part Julien Steinmetz, de l'ONCFS. D'autant qu'il y a peu d'endroits où la présence des deux espèces de vison est avérée.»

Maladie aléoutienne

Car le mustélidé nord américain, introduit au XXe siècle en Europe pour l'élevage aujourd'hui contesté de la fourrure, est lui accusé d'avoir contribué au déclin du mammifère européen en occupant «la même niche écologique». En cause cette fois-ci selon les scientifiques, la maladie aléoutienne, soit un virus qui aurait contaminé le petit carnivore, ainsi que d'autres mustélidés européens comme la fouine, déjà très fragilisé. «C'est aussi une espèce pour laquelle on s'est peu mobilisé en France alors que d'autres pays comme l'Espagne sont plus en avance dans sa protection, complète le délégué de l'ONCFS. La prise de conscience a été plus tardive.»

Alors que faire ? Malgré deux plans de conservation depuis les années 90, les populations de mammifères ne sont jamais reparties à la hausse tandis que les données sur la répartition de l'animal continuent de manquer. «La disparition du vison est le symbole des limites des politiques de conservation et de réintroduction. Il n'y a qu'en Estonie ou au Pays basque que cela marche un peu», conclut Christian Arthur. Des constats peu rassurants pour le vison d'Europe avant l'élaboration d'un troisième plan de conservation sous l'égide de l'Office nationale de la chasse et de la faune sauvage cette année.