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Libération
Témoignage

«J’ai entendu le cri glaçant lors de l’attaque»

Grégory Strzempek, gardien à Vendin-le-Vieil
(Photo Olivier Touron. Divergence)
par Stéphanie Maurice, (à Vendin-le-Vieil)
publié le 15 janvier 2018 à 20h36

Grégory Strzempek, 45 ans, premier surveillant à Vendin-le-Vieil, responsable local de l’Ufap Unsa Justice.

«Je suis devenu surveillant par hasard. J’étais au chômage, il y a une quinzaine d’années, et j’ai pris le premier concours qui venait. Dès mon premier jour en prison, j’ai vu un pendu. Un détenu qui s’était suicidé. Heureusement, je n’étais plus tout jeune, j’avais la trentaine. Mais j’ai tout de suite compris que c’était un métier particulier. Direct dans le bain.

«Vendin-le-Vieil, c'est une centrale sécuritaire : on a les peines les plus lourdes, minimum dix-huit ans. On a des terroristes, des violeurs, des tueurs en série, des gros bonnets en contact avec le grand banditisme. Ce ne sont pas ceux-là qui nous cassent les pieds, mais on les observe, on relate ce qui se passe et on remonte les informations. Il faut être honnête, ici, on ne se fait pas insulter tous les jours, mais quand il arrive quelque chose, ils n'y vont pas à moitié. On se paie les pires. Il y a les stars, comme B., qui jette ses excréments sur nous. On va le voir avec une combinaison, genre on revient de Mars. Mais le patron, ici, c'était un candide [il a démissionné lundi, ndlr]. Un collègue qui avait demandé à un détenu de baisser le son de sa chaîne hi-fi s'est retrouvé acculé par deux d'entre eux, et le directeur n'a pas sanctionné. Un autre détenu avait appelé à un mouvement parce qu'il ne voulait pas du surveillant d'atelier, un très bon professionnel avec quarante ans de boîte. On a dû intervenir pour qu'il ne dégage pas, alors que le prisonnier n'a rien eu. C'était du laxisme. En trois ans, on a eu deux prises d'otages, l'assassinat d'un détenu par un autre, et maintenant la tentative de meurtre sur quatre surveillants.

«J’étais présent ce jour-là, j’ai entendu le cri glaçant lors de l’attaque, on aurait dit une bête. On a eu l’impression que ça durait des heures. Un collègue se reprochait de ne pas être intervenu. Quand on a regardé la vidéo, on a réalisé que l’attaque avait duré deux secondes, deux petites secondes où il est resté impuissant.»

Photo Olivier Touron. Divergence