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Migrants : Macron, pressé par des proches de sortir du «double langage»

Dans une tribune au Monde, cosignée par Jean Pisani-Ferry, inspirateur du programme du chef de l'Etat, plusieurs intellectuels dénoncent la brutalité du gouvernement sur les migrants.
Le président français Emmanuel Macron à Paris, le 4 janvier 2018 (Photo LUDOVIC MARIN. AFP)
publié le 16 janvier 2018 à 12h48

La charge est rude. Alors qu'Emmanuel Macron entreprend, ce mardi dans le Pas-de-Calais, une visite consacrée à la défense et à l'illustration de sa politique migratoire, celle-ci est très sévèrement critiquée par plusieurs personnalités, dont l'économiste Jean Pisani-Ferry, l'un des principaux inspirateurs du programme du chef de l'Etat.

Dans une lettre ouverte publiée ce mardi par Le Monde, ils dénoncent le «double langage» du gouvernement sur le droit d'asile et sa brutalité dans le traitement des migrants. Outre le patron de la CFDT, Laurent Berger, qui parlait déjà la semaine dernière dans l'Obs d'une «politique d'immigration inhumaine», les signataires de ce texte sont des soutiens du fondateur d'En Marche, à l'image du directeur général et du président de Terra Nova, Thierry Pech et Lionel Zinsou. Ils renvoient Macron à son «coup de chapeau» à Merkel qui avait sauvé la «dignité collective» de l'Europe. Ils lui rappellent sa «profession de foi universaliste», énoncée à Orléans en juillet dernier : plus personne ne dormirait «dans la rue, dans les bois» et on ne «chercherait plus à dissuader quiconque d'exercer son droit à la protection».

Six mois plus tard, Pisani-Ferry et ses cosignataires disent leur effarement : «Nous nous sommes hélas réveillés dans un pays où l'on arrache leurs couvertures à des migrants à Calais. Où l'on lacère leurs toiles de tente à Paris». Ils pointent les dernières initiatives du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb : la circulaire qui prétend «organiser le recensement administratif dans les centres d'hébergement d'urgence, […] au mépris du principe d'accueil inconditionnel qui devrait seul régir ces sanctuaires», ainsi que le projet de loi qui prévoit de priver de liberté pendant 90 jours «des Erythréens, des Soudanais ou des Syriens, humiliés dans leur pays, torturés en Libye, terrorisés en Méditerranée».

Comme si Macron pouvait ignorer tout cela, le texte se propose de lui ouvrir les yeux sur la logique de Collomb et de ses préfets: «puisque vous leur avez fait obligation d'appliquer le droit d'asile à 100 %, ils n'ont de cesse de faire baisser la demande en cherchant à dissuader les candidats de venir sur notre sol». Ils le font en se réfugiant derrière «le fameux règlement de Dublin» qui renvoie au pays d'entrée dans l'UE la responsabilité d'examiner les demandes d'asile. «Nous laisserions ainsi aux Italiens, aux Grecs et aux Espagnols qui n'en ont bien souvent ni les moyens, ni le désir, le soin d'être les gardiens exclusifs de nos proclamations d'hospitalité», protestent les signataires.

Pour en finir avec le «double langage» - «celui de la générosité publique et celui du zèle bureaucratique» – le texte suggère d'acter l'obsolescence des accords de Dublin et de bâtir, avec les Etats de l'UE volontaires, un nouvel accord aux termes duquel «un office européen des réfugiés» accorderait ou refuserait l'asile puis «répartirait équitablement les réfugiés entre les différents pays participants». Ils rappellent que cette «politique commune de l'asile» correspondrait en tout point à ce que le candidat Macron avait lui même prôné il y a tout juste un an, dans un discours prononcé devant des étudiants de l'université Humboldt de Berlin.