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Libération

Evacuations : presser sans se presser

Notre-Dame-des-Landes, l'aéroport enterrédossier
A la recherche d’une solution négociée, le Premier ministre laisse aux zadistes jusqu’au printemps pour plier bagage.
A la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, mercredi, après l’annonce de l’abandon du projet. (Photo Cyril Zannettacci)
publié le 17 janvier 2018 à 20h56

D'aucuns annonçaient une opération de maintien de l'ordre historique sur le territoire métropolitain. Elle n'aura pas lieu. Du moins pas pour l'instant. Si la gendarmerie s'est préparée ces derniers mois à différents scénarios, celui d'une évacuation rapide de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) a été écarté. Trop brutal, trop risqué, trop chronophage. Le Premier ministre, Edouard Philippe, a opté pour la prudence, avec la recherche d'une solution négociée. En clair, il laisse «aux occupants illégaux jusqu'au printemps prochain pour partir», sans quoi «ils seront expulsés». «Nous commencerons» à partir du 30 mars, a précisé Edouard Philippe sur TF1.

Mardi, une source sécuritaire contactée par Libération évoquait «un nécessaire laps de temps entre l'annonce de l'enterrement de l'aéroport et l'éventualité d'une manœuvre opérationnelle». Pour une évacuation rapide, les autorités auraient dû prépositionner quelque 25 escadrons de gendarmes, soit 1 750 hommes. Or seuls sept sont actuellement à proximité, signe que le recours immédiat à la force n'était pas l'option privilégiée par le pouvoir.

«Circulation». «Toutefois, il ne faut pas s'attendre à voir les unités remonter dans les bus tout de suite», prévient un cadre de la gendarmerie. Edouard Philippe a effectivement annoncé une manœuvre a minima, avec le déblaiement des abords de la ZAD : «Les trois routes qui traversent le site de Notre-Dame-des-Landes doivent maintenant être rendues à la libre circulation pour tous. Les squats qui débordent sur la route doivent être évacués, les obstacles retirés, la circulation rétablie. A défaut, les forces de l'ordre procéderont aux opérations nécessaires.»

Est-ce le risque d'un drame qui a freiné le gouvernement ? Au sein de la gendarmerie, le Centre de planification et de gestion de crise (CPGC) a étudié toutes les difficultés posées par une telle évacuation. La première tient à la toponymie du terrain : «La ZAD est immense, elle fait 9 km de long sur 3 km de large. En outre, elle est humide et boisée, ce qui rend tumultueuse l'avancée d'engins motorisés. Je ne parle même pas de la détermination des zadistes qui, pour certains, s'avèrent vraiment dangereux», explique le cadre de la gendarmerie. Le général Bertrand Cavallier, ex-directeur du Centre national d'entraînement des forces de Saint-Astier (Dordogne), abonde : «Le maintien de l'ordre en milieu rural est toujours plus périlleux qu'en zone urbaine, où les objectifs sont encagés par les immeubles. Les distances entre les différents squats étant très importantes à Notre-Dame-des-Landes, tous les mouvements tactiques seront plus techniques.»

«Trêve hivernale». Le rapport parlementaire sur le maintien de l'ordre, réalisé en 2015 après la mort de Rémi Fraisse sur la ZAD du Testet, s'était intéressé à la spécificité des interventions policières sur ces nouveaux terrains. Le directeur général de la gendarmerie nationale de l'époque, Denis Favier, dressait le tableau d'une situation «très tendue» lors de l'évacuation avortée, en 2012, à Notre-Dame-des-Landes : «L'engagement avec les forces de l'ordre est préparé par les manifestants, qui utilisent non seulement des moyens passifs pour empêcher ces dernières d'agir, mais aussi des moyens offensifs - si ce n'est des jets d'acide, en tout cas des cocktails Molotov ou des bouteilles incendiaires de nature plus explosive.»

Autre embûche, et non des moindres, l'enchevêtrement des situations juridiques présentes sur la ZAD. «Le CPGC a pris en compte dans ses options les obligations imposées par la trêve hivernale, les possibles rétrocessions de terrains aux agriculteurs expropriés. Les forces de l'ordre ne peuvent pas se comporter de la même façon selon qu'elles font face à des squatteurs ou à des exploitants, estime-t-on à l'état-major de la gendarmerie. D'une parcelle à l'autre, il aurait presque fallu opérer autrement !» Raison de plus pour se laisser du temps, et permettre à certains imbroglios de se régler à l'amiable d'ici aux beaux jours.