Voici peut-être la décision la plus difficile qu’ait eu à prendre Emmanuel Macron depuis qu’il est à l’Elysée. Jusqu’au bout, il aura laissé voir qu’il pesait le pour et le contre. Son Premier ministre n’était-il pas sur place ce samedi pour rencontrer les plus ardents défenseurs et les plus fermes opposants au projet de nouvel aéroport, laissant à chacun des raisons d’espérer ?
Périlleux. Cette mise en scène quasi cornélienne s'est accompagnée d'une théâtralisation de la question de l'évacuation de la ZAD. Depuis plusieurs semaines, le ministre de l'Intérieur affiche sa détermination, tout en insistant sur le caractère extraordinairement périlleux de l'opération de police à venir. Elle se fera «avec sang-froid, en évitant qu'il y ait des morts», disait Gérard Collomb, laissant s'installer l'idée que la question du rétablissement de «l'Etat de droit» sur la ZAD n'était pas moins risquée, politiquement, que celle de la construction, ou pas, d'un aéroport. Mais la dramatisation de l'enjeu ne met pas le chef de l'Etat à l'abri de possibles dégâts politiques. Quelques secondes après la décision, l'opposition dénonçait le reniement du candidat Macron. N'avait-il pas promis, le 6 avril, sur France 2, de «respecter» le vote des habitants de Loire-Atlantique en faveur du projet ? A ce déni de démocratie, le sénateur LR Bruno Retailleau ajoute «la capitulation» devant les zadistes et «le mépris» pour les forces vives du Grand Ouest, favorables au nouvel aéroport : «C'est un tournant. […] Le quinquennat vient de s'abîmer dans la boue de Notre-Dame-des-Landes.»
Pour répondre à ce procès en reniement, l'Elysée a choisi de pousser en première ligne Edouard Philippe. «Je constate aujourd'hui que les conditions ne sont pas réunies», a-t-il déclaré. Jamais le Premier ministre n'aura tant parlé à la première personne ! Jamais il n'a assumé, à ce point, sa cruelle mission de paratonnerre. Il est vrai que les principaux marqueurs du macronisme sont potentiellement touchés. Des derniers sondages, il ressort que le Président doit son retour en grâce au fait qu'une partie de l'opinion lui sait gré de tenir ses promesses de campagne tout en faisant preuve d'autorité.
Dégâts limités. A ceux qui crient à la trahison de ses engagements, l'Elysée réplique n'avoir pas de leçon à recevoir de ceux qui ont laissé ce dossier s'enliser : «Enfin une décision, après quarante ans d'hésitation», s'enthousiasme le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Cela ne consolera pas les partisans du projet, particulièrement les acteurs de l'économie, qui ont cru dur comme fer qu'un président soucieux de promouvoir la croissance ne pourrait qu'arbitrer en faveur du nouvel aéroport. Mais selon Jérôme Fourquet, de l'Ifop, les dégâts devraient être limités : «Au niveau national, Macron a plutôt l'opinion pour lui, car vu de Strasbourg ou de Marseille, l'aménagement de l'aéroport existant apparaît comme une solution de bon sens.»
Reste le procès en laxisme que s’empresse d’instruire le chef de LR, Laurent Wauquiez : Macron serait incapable d’autorité, valeur de droite par excellence. Les Français se laisseront-ils convaincre ? Peu probable. Car comme s’il voulait étouffer dans l’œuf l’offensive à venir, Macron a sorti le grand jeu ce mardi à Calais, proclamant devant les forces de l’ordre son soutien au très controversé projet de loi sur l’immigration, sujet sans doute plus concernant que le survol de l’agglomération nantaise.