La décision prise par le gouvernement ouvre de nouveaux fronts. Le ministère des Transports va devoir calculer le coût de la rupture avec l’exploitant initialement prévu pour l’aéroport. L’exécutif est également dans l’obligation de lancer un appel d’offres, afin de trouver un nouveau gestionnaire pour l’actuel aéroport Nantes-Atlantique, désormais promis à un avenir radieux.
Combien va coûter l’abandon du projet Notre-Dame-des-Landes ?
Il va revenir aux experts de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) d’évaluer à quel montant va être indemnisé le groupe de BTP Vinci du fait de la non-construction de Notre-Dame-des-Landes. C’est le même service du ministère des Transports qui, en 2010, avait participé à la rédaction du volumineux contrat de concession de l’aéroport nantais.
L’article 81 prévoit la résiliation et le rachat de la concession. Dans ce cas de figure, il est prévu que Vinci se voie payer une indemnité qui couvre les frais déjà engagés pour ce projet, mais aussi les emprunts contractés et surtout le manque à gagner sur les bénéfices qu’il aurait retiré de l’exploitation de l’aéroport jusqu’en 2065. La facture totale pourrait donc se situer dans une fourchette entre 350 millions d’euros selon l’estimation du rapport des médiateurs et 250 millions d’euros pour l’Etat selon Jean-Marie Ravier, l’expert financier des opposants au projet qui a effectué ces calculs à partir des clauses du contrat de concession. Interrogé, Vinci n’a pas voulu commenter ces chiffres.
Quelles économies vont réaliser l’Etat et les collectivités locales ?
Les subventions prévues pour la construction de la tour de contrôle et le raccordement routier à l’aéroport étaient chiffrées à 85 millions d’euros pour l’Etat. S’y ajoutent 225 millions de dotations des collectivités locales pour financer le tramway censé desservir le site. L’abandon de Notre-Dame-des-Landes devrait donc générer une économie de 310 millions d’euros, à mettre en parallèle avec l’indemnité versée à Vinci.
Quel avenir pour l’actuel aéroport Nantes-Atlantique ?
Edouard Philippe a annoncé, à la sortie du conseil des ministres, «une modernisation de l'aérogare» et un «réaménagement des abords des pistes» de manière à faire face à l'accroissement régulier du trafic. Dans un second temps, l'allongement de la piste sera étudié, de manière à réduire les nuisances sonores liées au décollage et à l'atterrissage. Enfin, les liaisons TGV vers l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle devraient être renforcées pour les habitants de l'ouest qui effectuent des vols long-courriers.
Un réaménagement plus vaste de l'aéroport Nantes-Atlantique s'avère complexe. Il devra d'abord être précédé par la désignation d'un nouvel exploitant. Le groupe de BTP Vinci gère aujourd'hui cet aéroport mais de manière provisoire. L'Etat va donc devoir lancer un appel d'offres comme il l'a fait pour les aéroports de Toulouse et Nice afin de désigner un concessionnaire. Les candidatures devraient être nombreuses. Le transport aérien croît en moyenne de 5% par an et les investisseurs sont nombreux à vouloir en profiter. Selon les chiffres obtenus par Libération, l'aéroport de Nantes-Atlantique réaliserait dans sa configuration actuelle 15 millions d'euros de bénéfices pour 60 millions de chiffre d'affaires, soit 25% de marge. Relooké et redimensionné pour accueillir plus de voyageurs et plus de surfaces commerciales, il pourrait devenir une véritable pépite.
Qui va récupérer les terres de la ZAD ?
La «zone de non droit qui prospère depuis dix ans», c'est fini, a annoncé Edouard Philippe. «Les squats qui débordent sur la route devront être évacués, les obstacles retirés, la circulation rétablie, a-t-il détaillé. Conformément à la loi, les agriculteurs expropriés pourront retrouver leurs terres s'ils le souhaitent. Les occupants illégaux de ces terres devront partir d'eux-mêmes d'ici le printemps prochain, ou en seront expulsés.» C'est là que ça risque de coincer, car les «zadistes», entre 150 et 400 personnes, qui revendiquent une vie en collectivité déjà bien rodée, refusent «toute expulsion de celles et ceux qui sont venus habiter ces dernières années dans le blocage pour le défendre et qui souhaitent continuer à y projeter leurs vies et leurs activités». La restitution des terres, oui, mais pour «les paysans et habitants résistants ayant refusé la vente amiable».
«Les nouveaux ont ramené une vitalité, ces gens-là, il faut les prendre en compte, les accompagner dans leurs projets, estime le porte-parole de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel. C'est grâce à ceux qui sont restés, qui ont occupé l'espace, que l'aéroport ne s'est pas fait. Les autres sont partis, ils ont été compensés, ça me paraît compliqué qu'ils reviennent.» La Chambre d'agriculture de Loire-Atlantique, qui veut reprendre la main sur le dossier et aurait été reçue par Matignon cette semaine, est plutôt sur la ligne d'Edouard Philippe : on reste dans un cadre légal, les propriétaires récupèrent leurs terres, ceux qui s'y sont installés s'en vont. Tant pis pour ceux qui plaidaient pour un autre modèle de distribution des terres, comme un José Bové prenant l'exemple du Larzac. Après l'abandon du projet par François Mitterrand, l'Etat a gardé les terres et signé un bail de très longue durée, jusqu'en 2083, avec les occupants. Le gouvernement actuel, de son côté, préfère s'engager dans «une cession progressive du foncier» restant – qui n'appartenait donc à aucun particulier – afin de développer de nouveaux projets agricoles.
Pour quoi faire ?
Ce sur quoi presque tout le monde s'accorde en revanche, c'est la vocation de cette zone, où l'on pourrait «construire différemment, intelligemment», selon les mots du Premier ministre. Les médiateurs chargés du rapport sur Notre-Dame-des-Landes préconisaient eux aussi, en cas d'abandon, la transformation de la ZAD en «un terrain d'expérimentation de pratiques agro environnementales rénovées». Expérimentation que les occupants ont déjà lancée.