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Analyse

Notre-Dame-des-Landes : les socialistes éternellement gênés aux entournures

Notre-Dame-des-Landes, l'aéroport enterrédossier
Après cinq ans d'atermoiements, les socialistes peinent toujours à parler d'une seule voix sur le projet d'infrastructure nantais. Comme sur l'écologie et le progrès.
Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif et Jean-Marc Ayrault, ex-Premier ministre, étaient opposés sur le sujet du nouvel aéroport. (Photo Patrick Kovarik. AFP)
publié le 17 janvier 2018 à 20h26

Difficile d'avoir une meilleure illustration des tergiversations socialistes sur le dossier Notre-Dame-des-Landes. Mercredi, la décision d'abandonner le projet est tombée sur la table d'Olivier Faure en plein déjeuner avec une poignée de journalistes. Une bonne chose pour l'environnement ? Une mauvaise décision pour le développement économique ? Emmanuel Macron peut-il être loué ou attaqué pour ce choix ? Les journalistes piaffent de connaître la position du patron des députés socialistes, candidat au poste de premier secrétaire. Mais la réaction ne viendra pas. «Il faut que j'appelle Johanna Rolland», la maire de Nantes, répète Faure en guise de réponse, confirmant l'embarras du PS. «Vu le peu d'élus locaux qu'on a après le massacre électoral du printemps, je nous vois mal nous désolidariser des maires de Nantes et de Rennes», grandes partisanes du projet, ironise une socialiste bretonne en écho.

En réalité, s'en remettre aux élus du cru a constitué l'alpha et l'omega de la pensée socialiste sur NDDL pendant cinq ans. De 2012 à 2016, l'exécutif a eu à sa tête deux Premiers ministres empêchant toute contestation du projet NDDL. Chacun avec son prisme bien à lui : à Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes, le développement local, à Manuel Valls, l'autorité de l'Etat. Deux couvercles sur le débat collectif, au sein du gouvernement comme dans les rangs du parti. Grâce à François Hollande cohabitent au sein du gouvernement des écologistes et des socialistes, eux-mêmes partagés entre productivistes et partisans de la social-écologie. Compliqué. Arnaud Montebourg est le seul à regimber. «Tu fais chier tout le monde avec ton aéroport, tu gères la France comme le conseil municipal de Nantes», balance le ministre du Redressement productif à Ayrault à l'hiver 2012.

Le progrès, ligne de fracture ?

Pendant tout son quinquennat, Hollande va promettre qu'il fera NDDL à chaque fois qu'on lui pose la question. Sans jamais le faire. Sur les conseils d'Ayrault et de Valls, ministre de l'Intérieur, Hollande va pourtant approuver le déclenchement de l'opération César, pour déloger les zadistes en septembre 2012. Mais sur l'insistance de Cécile Duflot, il suspend l'évacuation musclée dès l'apparition des images sur les écrans de télé. Ségolène Royal entre dans la danse en 2014, déterrant l'option d'un agrandissement de Nantes-Atlantique. «Comme Hollande ne voulait pas froisser Royal, on n'a pas bougé, accuse un élu PS du Grand-Ouest. La vérité, c'est qu'on aurait dû avoir le courage de le faire nous, ce putain d'aéroport! C'était pas impossible à vendre sur l'aspect bataille pour l'emploi. On a perdu en crédibilité et rien gagné avec les écolos. C'était perdant-perdant». «Derrière NDDL, c'est toute la question de l'aménagement du territoire et du développement économique qui se pose, plaide le député Luc Carvounas, favorable à NDDL. Nantes et Rennes sont les deux métropoles qui tirent la France vers le haut et là, l'exécutif leur tire une balle dans le pied».

Après l'opération policière à Sivens, en octobre 2014, «l'ombre de Rémi Fraisse planait sur nous tout le temps», se souvient un député, rendant encore plus compliquée l'intervention à NDDL. Les attentats de 2015, les plans Vigipirate et Sentinelle et l'opération de maintien de l'ordre permanent autour de la jungle de Calais empêchent d'envisager sereinement l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes. En 2017, allié aux écolos pour la présidentielle, Benoît Hamon promet l'abandon de Notre-Dame-des-Landes, offrant un ticket de sortie à des éléphants socialistes qui n'attendaient que ça : le PS est un parti progressiste mais Hamon va contre le progrès, donc ils ne vont pas avec Hamon. L'axiome est en train de ressurgir en vue du congrès du PS, début avril. Pour le député des Pyrénées-Atlantiques David Habib, partisan de NDDL, «quand le PS reste ce qu'il est, attaché au progrès social, économique et technologique, il gagne des élections». «Quand il se replie sur une thématique de précaution et de protection, il perd. Cet attachement au progrès sera un vrai marqueur pour l'avenir du PS.»

Zizanie à l’Assemblée

Car depuis qu'ils sont dans l'opposition, les socialistes n'ont pas franchement mis de l'ordre dans leur position. Mi-décembre, une réunion de groupe à l'Assemblée a mis au jour trois catégories de députés (sur trente seulement) : les partisans de l'abandon de NDDL, minoritaires (Olivier Faure et Delphine Batho), les partisans du nouvel aéroport pour tout un tas de raisons différentes (Stéphane Le Foll, Luc Carvounas, Valérie Rabault, David Habib) et «une bonne moitié des députés qui se tiennent à l'écart d'un dossier local et explosif», relate un parlementaire PS. Certains réclament alors un séminaire de rentrée pour début janvier histoire d'accorder les violons sur les questions qui fâchent: PMA, NDDL, glyphosate, hydrocarbures…

Mais quelques heures plus tard, après avoir eu les socialistes bretons au téléphone, Olivier Faure bat en retraite : les députés PS soutiennent bien Notre-Dame-des-Landes. Mercredi, le communiqué socialiste a mis cinq heures avant de parvenir aux journalistes. Il dénonce «un reniement» de l'exécutif, brocarde «un président de la République qui désavoue le candidat Macron», parle de «déni de démocratie» et s'inquiète de la «fragilisation de l'Etat de droit». Sur le report de l'évacuation, qui a tétanisé tout le monde pendant le quinquennat Hollande, le PS «prend note». Pas question de décerner le moindre satisfecit.