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Libération
Éditorial

Le mot qui fâche

publié le 21 janvier 2018 à 20h46

Le spectre de la sélection hante toujours l’université française. Ces dernières années, il s’était incarné dans cette loterie APB qui a tant heurté l’opinion. Le tirage au sort, qui blesse le sens commun et consacre l’injustice du hasard, ne pouvait guère durer, sauf à provoquer une nouvelle levée de boucliers. Le gouvernement autorise donc les universités «en tension» à choisir leurs étudiants sur des critères académiques, qu’on baptise du terme galant «d’attendus», évitant ainsi l’emploi du mot qui fâche. A vrai dire, cette sélection-là n’est pas un couperet, puisque l’étudiant recalé à un endroit doit trouver, en tout état de cause, une place dans l’enseignement supérieur. Du coup, cette loi Devaquet version soft ne sera sans doute pas le chiffon rouge qui avait fait descendre dans la rue une marée de lycéens et d’étudiants. Et, à choisir, l’orientation sur critères vaut mieux que la loterie. Restent deux problèmes, qui pourraient alimenter une contestation plus vive. Mise en œuvre en urgence, la réforme prend au dépourvu nombre d’universités qui invoquent le manque de moyens. Croulant sous les dossiers, certaines d’entre elles pourraient choisir les futurs étudiants de manière arbitraire, ou hasardeuse, ce qui nous ramènerait, cruel paradoxe, au cas précédent. Plus largement, plusieurs voix s’élèvent pour demander que le nombre de places dans l’université soit nettement augmenté. On dira qu’en temps d’économies budgétaires, la requête a tout d’une incantation rituelle. A une nuance près. Selon les chiffres de l’OCDE, la part du PIB consacrée à l’enseignement supérieur (1,5 %) place la France au-dessous de la moyenne des pays développés. Les Scandinaves font nettement mieux et trois pays, les Etats-Unis, le Canada et la Corée du Sud, se situent aux alentours de 2,5 %. Plus que la sélection, c’est peut-être cette disparité qui mérite débat public.