Menu
Libération
Crise

Les surveillants de prison et le ministère de la Justice ne trouvent pas d'accord

Force Ouvrière encourage «le dépôt de clés» (laisser les forces de l’ordre prendre le relais en l’absence de gardiens) dès la semaine prochaine, tandis que l'Ufap-Unsa et la CGT soutiennent les initiatives de blocages et de débrayages.
Nicole Belloubet à la prison de Vendin-le-Vieil, le 16 janvier. (Photo Olivier Touron. Divergence)
publié le 21 janvier 2018 à 16h57

Ce week-end, le ministère de la Justice et les syndicats pénitentiaires ne sont toujours pas tombés d’accord, les seconds estimant les propositions – en matière de recrutement et de prise en charge des détenus les plus dangereux – trop légères. Impasse et durcissement : des syndicats, dont FO et CGT, appellent au "blocage total" dès lundi (mouvement reconductible). Contagion aussi : dimanche, des surveillants ont retardé leur prise de service dans une dizaine de prisons, sur les 188 établissements français, quand ils ne les bloquaient pas comme à Borgo (Corse) où deux gardiens avaient été attaqués au couteau.

Depuis une dizaine de jours, une série d’agressions, commises par des détenus dits «radicalisés», a replacé la routine des prisons au cœur de l’actualité judiciaire. D’un côté, il y a le décalage : le nombre de détenus augmente plus vite que les effectifs pour les encadrer, alors qu’ici et là, les conditions d’incarcération se dégradent – rats, maladies, insalubrité, etc. De l’autre, les problématiques de radicalisation au sein des établissements inquiètent le personnel, lequel se sent démuni en moyens humains et pédagogiques – quelle formation pour la prise en charge ? – pour assurer sa propre sécurité. Le 11 janvier, Christian Ganczarski, l’un des cerveaux des attentats de Djerba (2002) revendiqués par Al-Qaeda, s’en est violemment pris à trois surveillants à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais). Symbole : la prison est censée accueillir Salah Abdeslam, unique membre vivant du commando des attaques du 13 Novembre.

Dans un entretien à l'Obs, Antoine Lazarus, ancien président de l'Observatoire international des prisons, explique qu'en l'état, tout le monde y perd : «Les "détenus radicalisés" ou incarcérés pour des faits en lien avec le terrorisme ne vivent vraisemblablement pas leur incarcération comme infamante. C'est une suite de leur combat qui ne s'arrête pas une fois derrière les barreaux. La prison pourrait même être une terre de jihad. D'autant plus qu'ils n'ont plus rien à perdre.» Et : «J'observe que les agressions d'incarcérés radicalisés commencent à émerger avec une tonalité propre et je pense qu'elles doivent remettre en cause le principe d'un modèle d'incarcération pénale «ordinaire» pour des personnes radicalisées.» Manque de reconnaissance, de main-d'œuvre, de sécurité : les trois syndicats majoritaires jugent donc que le recrutement de 1 100 surveillants sur quatre ans (entre autres) ne résoudra rien sans efforts plus conséquents. Erwan Saoudi, de FO-Pénitentiaire, à nos confères de l'AFP : "Ils pourraient annoncer 4 000 (agents supplémentaires), ils n'arriveront pas à recruter tant qu'on n'aura pas des salaires à la hauteur de nos missions". L'un de ses collègues au syndicat est encore plus alarmiste : les sessions de recrutement se vident car la profession - et ce qu'elle offre - rebute.