«Au regard des hautes responsabilités qui lui avaient été confiées à la tête de l’INA au moment des faits, de la parfaite conscience qu’il avait alors de ses agissements délictueux […], le tout au regard de sa formation universitaire et de sa brillante carrière passée, il convient de condamner Mathieu Gallet à un an d’emprisonnement [avec sursis].» Ainsi se conclut le jugement, particulièrement dur pour l’intéressé, du tribunal de Créteil daté du 15 janvier, lu par Libération et par lequel l’actuel PDG de Radio France a également été sanctionné d’une amende de 20 000 euros.
Mathieu Gallet, qui a fait appel, était poursuivi pour des irrégularités dans l’attribution de marchés lorsqu’il dirigeait l’Institut national de l’audiovisuel (INA) entre 2010 et 2014 : l’un avec le cabinet Roland Berger Strategy pour 289 000 euros, l’autre avec la société de conseil Balises pour 130 000 euros. Ils ont valu au prévenu quatre chefs d’accusation pour «atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics». Or l’ex-patron de l’INA a été reconnu coupable des quatre chefs, «sciemment commis» selon le tribunal.
D’où la sévérité de la peine, qui a surpris au-delà du cercle de proches du condamné. «Tous les témoignages convergent vers une volonté constante de Mathieu Gallet de se détacher des obligations en matière de marchés publics», assène le jugement. Le texte n’est pas dénué d’une ironie légère, plutôt inattendue à tel endroit : «On peut supposer qu’il n’est pas nécessaire de rappeler [à Mathieu Gallet] l’adage pourtant connu du très grand nombre selon lequel, en matière pénale, nul n’est censé ignorer la loi», est-il écrit, en réponse à la stratégie de défense du dirigeant, qui avait plaidé ne pas être «un spécialiste des marchés publics».
Dans l’entourage du PDG de Radio France, le style du jugement est vu comme une nouvelle manifestation de la volonté de nuire à son égard, déjà dénoncée par la défense lors du procès. «C’est un jugement excessif sur la forme et sur le fond», s’indigne un proche, qui pointe l’évocation, dans le texte du jugement, de contrats de conseil dont le tribunal n’était pas saisi. Passés avec les sociétés Bernard Spitz Conseil (119 000 euros en 2011), Chrysalis (55 000 euros en 2014) et OpinionWay (116 850 euros en 2010-2011), ils présentent, selon le jugement, des irrégularités.
Mis sous pression par le gouvernement, qui l’a appelé à démissionner après sa condamnation, le PDG de Radio France sera auditionné le 29 janvier par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui a seul le pouvoir de le démettre. «Ma responsabilité, c’est l’indépendance du CSA», a commenté mardi son président, Olivier Schrameck.