Un quintette de cuivres de l'Armée du salut alterne airs de jazz et cantiques. Une manière de faire patienter, mercredi soir, les invités aux vœux de la Fédération protestante de France (FPF), devenu une sorte de rituel républicain depuis le précédent quinquennat. Au tour, cette année, du Premier ministre Édouard Philippe de s'y coller. «Les tutoyeurs de Dieu ne se sont jamais tus devant l'État», rappelle-t-il dans son discours cultivé et truffé de références à de vieilles gloires protestantes (et très peu connues) telles que Sébastien Castellion ou Jean de Léry. Le ton est aussi policé, amical même. La République aime bien les protestants qui furent, comme le souligne, Edouard Philippe, parmi les initiateurs de la loi de 1905. Le Premier ministre salue leur «humanisme combatif».
Mais en guise d'étrennes, Edouard Philippe n'a pas grand-chose à offrir. «Y aura-t-il bientôt le règlement d'une différence de traitement entre les associations ?», a demandé le pasteur François Clavairoly, le président de la FPF, dans un discours au ton très offensif. Depuis 2014, les protestants souhaitent que les associations cultuelles puissent tirer des revenus des immeubles qu'elles reçoivent à titre gratuit. Récemment, le gouvernement avait introduit un article dans la loi sur le droit à l'erreur pour accéder à cette demande. Modifiant la loi de 1905 (ce qui a déclenché un début de polémique), il a été retiré par la commission spéciale de l'assemblée. «Nous n'avons pas du tout été concertés dans cette affaire», regrette François Clavairoly, interrogé par Libération.
«La France qui accueille»
La question de l'accueil des migrants est l'autre grosse pomme de discorde entre le gouvernement et la FPF. Cette dernière compte dans ses rangs deux grandes associations la Cimade et l'Entraide protestante très engagées sur le terrain. Avec d'autres, elles bataillent pour le retrait de la circulaire Collomb. «Entendez ceux qui sont sur le terrain […] Ils vous disent qu'il y a une promesse à tenir, non tenue à ce jour, celle de la France qui accueille comme elle se doit de le faire», plaide François Clavairoly.
Edouard Philippe, lui, est inflexible. «Il n'y a pas de droit au séjour inconditionnel», rétorque-t-il. Le Premier ministre reçoit quelques cadeaux, des livres surtout. Puis s'en va…. «Il a été sourd à nos demandes», commente, assez désolé, le pasteur.