Agaçants, énervants, irritants, ces Allemands… Ils affichent des résultats économiques insolents, croissance régulière, excédent commercial géant, équilibre des comptes, taux de chômage au plus bas. Et voilà qu’ils se portent aussi à l’avant-garde sociale de l’Europe. Le plus puissant syndicat de la République fédérale - et d’Europe -, IG Metall, exige non seulement une augmentation de salaire de 6 % pour ses mandants, mais aussi, et surtout, la possibilité pour les ouvriers de la métallurgie de passer à la semaine de 28 heures avec une compensation salariale partielle. De quoi bousculer encore, si besoin était, les certitudes françaises. Ainsi le Medef, qui prend si souvent en exemple l’excellence germanique, se retrouve confronté à un exemple qui le prend totalement à contre-pied. Lui qui n’a pas de mots assez durs pour critiquer la loi française qui impose une durée légale à 35 heures, se voit désavoué de manière spectaculaire par ces voisins si souvent invoqués. Rien n’est fait, pour l’instant, bien sûr, et le patronat allemand freine des quatre fers. Mais tout de même : en France on veut revenir sur les 35 heures ; en Allemagne on discute… des 28 heures. Les syndicats français, la gauche, les militants du social ne sont pas à l’aise pour autant. Si la République fédérale peut ainsi envisager de réduire le temps de travail (sur une base volontaire), c’est aussi parce qu’elle a su rétablir à coups de sacrifices douloureux la compétitivité de son industrie. Et si le taux de chômage est si bas, plaçant les travailleurs en meilleure position dans la négociation, c’est aussi parce que l’Allemagne a multiplié les petits boulots à temps partiel, souvent précaires et mal payés. Reste une double leçon, souvent mal comprise à droite et à gauche : seule une économie forte permet le progrès social ; mais immanquablement, la réussite industrielle suscite et justifie les légitimes revendications des travailleurs.
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