Méfions-nous de la justice Twitter. Depuis toujours soumis à la pression de l’opinion, en tout cas dans les grandes affaires, les magistrats doivent désormais vivre dans l’instantanéité obsédante des réseaux sociaux, relayés aussitôt par les chaînes de radio et de télévision en continu. A peine connu le revirement du «mari de la joggeuse», un débat virulent s’engage à coups d’opinions lapidaires enfermées dans 280 signes. Une ministre commente en direct. Ailleurs, les péripéties des audiences se retrouvent en ligne à peine les prévenus ont-ils parlé. L’opinion publique se prononce en direct avec tous les risques d’erreur qu’engendre la précipitation. Bientôt, on jugera avant même que les juges aient eu le temps de se saisir d’une enquête…
S'indigner ? Prôner on ne sait quelle abstention informative au nom de la sérénité judiciaire ? Certainement pas. C'est le rôle des médias que de livrer au public, à condition qu'ils soient vérifiés, les éléments factuels qui apparaissent au fil des enquêtes. Libération ne se prive pas de le faire, en s'astreignant à recouper les éléments qui viennent à sa connaissance. Aussi bien, les victimes, dont le statut change dans nos sociétés, dont les droits sont mieux reconnus, peuvent difficilement s'abstenir de livrer leur sentiment sur les affaires qui les concernent. Dans le cas du meurtre d'Alexia Daval, les associations de défense des femmes sont fondées à souligner qu'il s'agit probablement, non d'un «crime passionnel» mais plutôt d'un «féminicide», changement de vocabulaire qui met en lumière le drame lancinant des violences faites aux femmes. A condition, en vertu même de la puissance et de la rapidité des médias numériques, de garder en tête les impératifs de retenue et de vérité qui sont l'apanage d'un débat public honnête. Même sur Twitter.